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Homélies médiatiques blasphémées en Afghanistan, profanations contre la marchandise et l’Etat au Pakistan




« L’affaire » des caricatures


Au début du mois de février 2006, une sorte de crise médiatico-diplomatique au sujet de dessins satiriques moquant le prophète Mahomet, parus cinq mois auparavant dans un obscur journal danois, donne lieu à une série de manifestations dans plusieurs Etats musulmans. Ce qui ne tracassait encore au mois de janvier que les instances islamiques (Etats d’Arabie Saoudite et du Koweït) et quelques partis islamistes (Jamaat-i-Islami en particulier) prend de l’ampleur lorsqu’une dizaine de journaux d’Europe occidentale publient les caricatures incriminées dans leurs éditions du 1er février.

Le 3 février, des rassemblements de quelques centaines de manifestants ont lieu dans plusieurs pays, de la Mauritanie à l’Indonésie, en passant par la Turquie et le Liban. Par l’intermédiaire de l’information mondiale, qui en est à l’origine, le blasphème, tout juste bon à exciter deux ou trois curés musulmans, devient une affaire internationale érigée en symbole du choc des civilisations. C’est du moins ce que sous-entend une couverture démesurée de « l’affaire ». Aux images dilatées de poignées de militants brûlant des drapeaux danois s’ajoutent les déclarations officielles de plusieurs chefs d’Etat de pays musulmans, qui s’engouffrent dans la brèche en feignant l’indignation. L’événement, microscopique et insignifiant au départ, advient comme énième confirmation de la nouvelle opposition spectaculaire Occident-Islam, consacrée par les attentats du 11 septembre 2001 et dont il faut chercher les origines dans la contre-révolution iranienne. Il est une création de l’information, un exemple typique de la façon dont sa représentation de ce qui a lieu influe sur ce qui a lieu. L’événement ainsi créé reste, quasiment à coup sûr, sous l’emprise de cette représentation. Pour cette raison, il pourrait paraître vain de chercher dans les conséquences de ce scandale fabriqué les traces d’un négatif fécond, l’interprétation des actes de destruction qui ont lieu durant ce mois de février a été donnée avant qu’ils ne se produisent. C’est du moins clairement le cas pour certains Etats au début du mois où les faits déclenchés restent rivés à la mise en scène qui les a fait naître. Pour d’autres plus tard, ça paraît moins évident, l’information a de nouveau besoin de déformer ce qui s’y passe pour qu’ils rentrent dans le cadre qu’elle a préalablement posé. En critiques modernes et conséquents de la représentation, nous avons voulu aller voir si sous l’épaisse couche d’interprétation hâtive et faussement neutre, les actes collectifs des pauvres n’avaient pas dérivé de leur déclencheur dérisoire vers une critique véritable. Il a fallu aller vérifier dans ce à quoi, par principe, nous n’avions tout d’abord accordé que peu d’importance, car au moins au Pakistan, il semblait tout de même s’être produit plusieurs émeutes majeures. On remarquera, contrairement à l’apparente unité des faits véhiculée à travers l’information, l’hétérogénéité des actes collectifs dits anti-caricatures suivant les Etats dans lesquels ils ont été commis, et suivant le moment où ils ont eu lieu.

La série d’attaques contre les ambassades danoises commence à Damas le 4 février. Des dizaines de manifestants s’extraient du défilé pour mettre le feu au bâtiment qui abrite également les ambassades de Norvège et du Chili – cette dernière, qui ne cadre pas avec le contexte, disparaîtra progressivement des dépêches d’agences de presse par la suite. S’il y a bien quelques échauffourées avec les flics anti-émeutes, ces débuts de débordements ne vont pas plus loin, les destructions ne s’étendent à aucune autre cible. Quelques observateurs, dont les gestionnaires américains, accusent El-Assad d’avoir laissé faire les vandales, voire d’avoir encouragé l’attaque. Ils porteront les mêmes accusations, probablement en partie fondées, sur les dirigeants iraniens lorsque quelques jours plus tard les bassidjis attaqueront à leur tour les installations diplomatiques danoises à Téhéran, cela sans rencontrer de forte résistance.

Le lendemain, c’est au Liban que le consulat du Danemark est pris d’assaut et brûlé au cours d’une manifestation déjà plus massive que celle de la veille en Syrie. La colère déborde sur un quartier chrétien de Beyrouth. Des voitures sont retournées, des commerces ainsi qu’une église lapidés, des camions de pompiers brûlés. Les affrontements avec les flics sont intenses et assez longs. Dès le lendemain, le ministre de l’intérieur est éjecté. Malgré de tels débordements, il semble que le contexte libanais couplé au déclencheur de la protestation n’autorisent pas, sans s’illusionner, à déceler là la possible ouverture vers une quelconque nouveauté.

A l’issue de ce week-end, les manifestants se comptent maintenant par milliers dans les villes des Etats musulmans. Ça s’agite un peu partout. Sur la scène publique, une espèce de brouhaha généralisé s’installe. L’ensemble de ceux qui se prévalent de représenter des pans entiers du genre humain se plie à l’ordre du jour médiatique et chacun y mêle sa voix, soit pour apaiser soit pour échauffer un bouillonnement encore inoffensif. En Iran comme en Syrie, sous les menaces récentes des Etats-Unis, les gestionnaires semblent accueillir les troubles comme du pain bénit. Dans les Etats dont les gouvernants ont fait clairement allégeance aux Etats occidentaux, la situation est plus problématique.
 


 A l’est du Moyen-Orient


En Afghanistan, c’est en province que les manifestations se corsent et leurs cibles n’ont d’abord pas grand-chose à voir avec celles des événements de Syrie et du Liban. Le 6 février, la principale base américaine du pays est attaquée par 2 000 manifestants à Bagram, dans le centre de l’Etat. A ce moment, aucun journal américain n’a encore reproduit les caricatures, et on ne sait pas si cette manifestation, qui tourne à l’émeute et au cours de laquelle deux manifestants sont tués, a vraiment un rapport avec le blasphème danois, même si dans sa façon de l’annoncer l’information le laisse clairement entendre. Idem plus à l’est, la ville de Mihtarlam, capitale de la province de Laghman, est elle aussi le théâtre d’une manifestation violente. Des centaines de manifestants caillassent des bâtiments gouvernementaux ainsi que les flics, sur lesquels sont également jetés des couteaux. Deux personnes sont tuées par les tirs policiers. Le 7 à Maïmana (ou Meymana), dans le Nord, un camp de soldats norvégiens de l’Otan est pris pour cible par 200 à 300 manifestants. Aux pierres lancées s’ajouteraient quelques grenades, plusieurs militaires norvégiens sont blessés. La police afghane fait feu tuant quatre assaillants. Le 8 à Qalat, ville située plus au sud, plusieurs centaines de manifestants s’en prennent aux flics dont ils attaquent le siège puis aux militaires près d’une base américaine. Trois camions-citernes ou réservoirs de carburant sont incendiés ainsi qu’une école. Les flics afghans tuent à nouveau, deux ou quatre manifestants.

Il semble que l’atmosphère générée à l’échelle du monde par la médiatisation des caricatures danoises et des agitations du Moyen-Orient, ici principalement relayée par les radios, soit surtout l’occasion pour les gueux d’Afghanistan de concrétiser leur colère contre l’occupant occidental. Ils sont à l’offensive, prennent les installations ennemies d’assaut. La manifestation organisée directement contre les caricatures à Kaboul reste maigre et peu agitée sinon par la tentative de quelques étudiants de pénétrer dans l’ambassade du Danemark. Comme avec la plupart des événements négatifs dans cet Etat, la description sommaire des faits en province oblige à rester prudent quant à l’interprétation que l’on peut en faire. Selon les dires des responsables policiers, là où des manifestants ont été tués, certains d’entre eux étaient armés et ont tiré. De là, leurs supérieurs ont tôt fait d’imputer l’organisation des troubles à Al Qaeda et aux talibans. Mais, d’après les informations dont on dispose, aucun flic ou militaire n’a semble-t-il été blessé par balles. De même il est clair que les manifestants afghans ont principalement utilisé la caillasse, et que s’ils ne sont pas devenus de manière plus explicite des groupes armés de talibans sous la plume des journalistes occidentaux, qui n’ont pas pour habitude, concernant de tels Etats, de s’embarrasser de nuances, on peut se dire qu’ils étaient bien, pour la plus grande part d’entre eux, des anonymes associés du moment comme tous ceux qui pratiquent l’émeute dans le reste du monde.

Les principales villes, où ont pourtant eu lieu de grandes manifestations, n’ont pas été touchées par la révolte, les émeutes des petites et moyennes villes de l’Est se sont vraisemblablement épuisées dès les premiers morts. Le déchaînement de colère est demeuré circonscrit dans le contexte d’un Etat occupé militairement par les organismes occidentaux, tout aussi difficile à évaluer qu’en Haïti ou qu’en Iraq dès lors qu’une sorte de résistance armée s’active, enrôle, et que, dans cette guerre civile larvée, l’occupant paraît focaliser toute l’insatisfaction.

Quelques jours plus tard, à l’autre bout du pays, une autre agitation a lieu. Il n’y est pas question de caricatures, c’est la célébration de l’Achoura qui échauffe la ville d’Hérat le 9 et le 10 février. Deux groupes s’affrontent à coups de pierres et de bâtons, deux mosquées chiites partent en fumée accompagnées de quelques voitures. Les combats de rue, au cours desquels des coups de feu et des jets de grenades finissent par être échangés, sont présentés comme sectaires, et ont effectivement tout l’air de l’être, même si au passage les flics sont caillassés. A la même occasion, une procession chiite est la cible d’un attentat dans la ville pakistanaise d’Hangu, à quelques kilomètres de la frontière afghane. S’ensuit l’émeute pakistanaise typique au cours de laquelle les incendies de commerces n’ont pas l’ampleur à même d’effacer des têtes les 35 morts de l’explosion initiale. Les troubles se changent en affrontements armés.

Au Pakistan, des manifestations contre les caricatures se déroulent au moins depuis le 3 février sans entraîner de désordre majeur. C’est un autre « blasphème » qui sert de prétexte au premier événement négatif pour ce mois. Le 7 février, aux abords de Lahore, la deuxième ville du pays, située à l’est près de l’Inde, la découverte de pages du Coran dans les égouts est annoncée des haut-parleurs de la mosquée. Les habitants de Gohawa, rejoints par ceux de villes voisines, prennent la rue. Ils seraient ainsi entre 1 000 et 4 000 à se regrouper à la tombée de la nuit à proximité de Lahore, pour certains armés de tiges de bambou. Ils saccagent des voitures, mettent le feu à deux cinémas, attaquent des propriétés publiques et privées, et se battent avec les flics. Le lendemain, mille flics supplémentaires sont nécessaires pour restaurer l’ordre. Mais, entre Achoura et caricatures, la tension entretenue par l’information dominante et les curés musulmans semble à ce moment-là offrir à la colère la possibilité de s’exprimer au moindre motif et de prendre des proportions inhabituelles.

Le 13 février à Peshawar, la manifestation anti-caricatures, principalement composée d’étudiants, est dispersée par la police. Avant qu’ils ne s’éparpillent, entre 4 000 et 7 000 marcheurs se dirigeaient vers la résidence du gouverneur de la province, et avaient, au cours du défilé, caillassé une école ainsi que les bâtiments du club de la presse.
 

 Emeutes majeures à Lahore et Peshawar


Ce n’est qu’au milieu du mois, c’est-à-dire une dizaine de jours après les premières manifestations du Liban et de Syrie, que des troubles à l’occasion de la protestation dite anti-occidentale prennent un tour véritablement de taille à dépasser ses motifs étriqués. A Lahore, où les esprits ont, comme on l’a vu, commencé à s’échauffer à la périphérie une semaine auparavant, une journée de grève, soutenue par les organisations corporatistes des commerçants ainsi que celles des transports, est prévue le mardi 14 février. Elle doit être accompagnée d’une manifestation appelée par plusieurs organisations musulmanes de la ville associées pour la circonstance. Des milliers d’habitants de Lahore répondent à l’appel. Jusqu’à 15 000, d’après certaines sources, se rassemblent au point de rendez-vous convenu en début d’après-midi. Dès après son départ, la marche se change en excursion émeutière.

Son déroulement est rendu avec une relative précision par les journaux pakistanais. The News et Dawn décrivent chronologiquement la progression des milliers de manifestants exaltés, principalement adolescents, au cœur de la capitale du Pendjab pakistanais. Sur le Lower Mall, leur première victime n’est ni danoise ni américaine mais étatique, c’est un poste de police qu’ils arrosent de pierres. Arrivés sur le Mall, la principale avenue commerçante de la ville, les gueux se déchaînent, d’autant plus alors que les flics paraissent complètement pris de court. Ce sont des fast-foods, des banques et les voitures garées là qui font les frais de leur fureur. La foule se fragmente en de multiples groupes se ruant sur des cibles diverses. Les commerces de la rue tout d’abord, puis un hôtel et une salle d’exposition de voitures auxquels ils mettent le feu. Plus loin, ce sont d’autres fast-foods américains, foisonnants à cet endroit de la ville, et d’autres banques, qui sont dévastés. Un magasin de téléphonie norvégien est mis à sac puis incendié. Les vitrines tombent une à une, des voitures brûlent. Devant le siège de l’assemblée du Pendjab, les flics tirent des lacrymos pour tenter de stopper les assaillants. Le passage est forcé. A l’intérieur du bâtiment gouvernemental on éclate tout ce qui peut l’être, puis on en ressort après y avoir mis le feu. A quelques pas de là, la façade des bureaux de la compagnie aérienne pakistanaise est vandalisée. A l’intersection suivante, sur Egerton Road, les feux de circulation sont systématiquement détruits comme les vitres et les pare-brises des voitures des deux côtés de la rue. Il semble que ce soit à ce moment-là que le gardien d’une banque tire sur plusieurs émeutiers, en tuant deux et en blessant plusieurs autres. L’incident n’arrête pas l’émeute, le souffle passe. Un groupe part caillasser l’immeuble de la bourse, le Lahore Stock Exchange. Un nouveau fast-food et plusieurs dizaines de voitures subissent le passage de la troupe. Ce sont alors les « Rangers », la police militaire pakistanaise, qui interviennent, venant prêter main forte aux flics ordinaires. Ils parviennent à disperser provisoirement l’émeute qui vient de faire un sort à une agence de voyage. Ailleurs et un peu plus tard, sur Laxmi Chowk, 20 commerces sont saccagés, on en extirpe des victuailles avant d’incinérer un kiosque de police. A Bhati Chowk, on brûle un cinéma, on casse un théâtre. Après l’intervention des flics, l’émeute dure encore plusieurs heures dans différents quartiers et par petits groupes, là ce sont des stations-services qu’on incendie, ici une boulangerie.

L’émotion semble s’épuiser au cours de la nuit tandis que les forces de l’ordre se déploient plus massivement. La liste des destructions établie dans le récit ci-dessus n’est pas exhaustive. On compte 500 véhicules détruits, des commerces de toutes sortes ainsi qu’un nombre important de banques saccagés, pillés et parfois incendiés. Contrairement à ce que laissent penser les courts comptes-rendus des agences de presse internationales, les représentations occidentales, si elles en ont effectivement pris pour leur grade, n’ont pas seules focalisé toute la rage des émeutiers. Les journaux pakistanais le remarquent d’ailleurs, déplorant notamment l’attaque du restaurant « historique » Shezan, celle des bureaux d’un société de textile nationale, et d’autres officines bien du pays.

Il n’y aurait alors que 100 à 150 arrestations, nombre qui augmentera au cours des jours suivants. Certains témoins dénonceront la passivité des flics, qui semblent avoir été entièrement dépassés par les événements. Leur chef aurait même été retenu en otage une dizaine de minutes par les émeutiers : « So much so, the chief of operation Lahore police, Aamir Zulfikar Khan, was attacked by the angry mob in the presence of scores of policemen on the Mall. » et encore : « Lahore operations police chief Aamir Zulfikar Khan, who was present there, was not in a good shape after being held hostage for 15 minutes by the rioters. He was later shifted to the Services Hospital for treatment. »

Le même jour à Islamabad, une manifestation de quelques milliers, constituée pour une bonne part d’étudiants, est l’occasion du caillassage d’un bâtiment diplomatique indien ainsi que d’une banque. Sa dispersion précoce entraîne des affrontements et une centaine d’arrestations. Comparé à celui de Lahore, l’événement reste mineur.

D’après certains commentateurs, dont des responsables étatiques, l’émeute de Peshawar, le lendemain, est directement provoquée par la relation des événements de Lahore dans l’information. Le nombre de manifestants est multiplié par dix par rapport à la journée du 13, ils seraient entre 40 000 et 70 000 à envahir les rues de cette ville du Nord-Ouest, à l’appel du même type d’association qu’à Lahore. De la même façon que dans la ville de l’Est, la grève, soutenue par les organisations de commerçants et de transporteurs, paraît très suivie. Et là aussi, le défilé ne reste pas calme longtemps. D’après le président de l’organisation centrale des commerçants, les tirs de lacrymos des flics seraient les déclencheurs de l’embrasement lorsque le premier accès de panique laisse la place à un mouvement de colère. Vitrines, panneaux, feux de circulation, câbles de téléphone, tout ce qui dépasse est arraché, piétiné, brisé. Du mobilier urbain on passe aux entreprises « nationales et multinationales » dont les saccages sont accompagnés de pillages. Les milliers d’émeutiers se répandent dans la ville, s’attaquant à divers édifices : la gare routière est pillée puis incendiée avec les bus qu’elle contient, plusieurs bureaux de la société téléphonique norvégienne télénor sont détruits ; des commerces, un fast-food, des cinémas, une banque subissent le même sort. Une station service flambe, le pipeline qui approvisionne la ville en gaz est « endommagé ». Flics et militaires semblent plus nombreux et plus actifs qu’à Lahore. Les affrontements sont violents, d’abord à base de jets de pierres contre les charges à la matraque, puis à balles réelles. Certains manifestants seraient armés et tireraient sur les flics, c’est du moins ce que rapportent les responsables policiers pour justifier leurs propres tirs. Il y a deux morts par balles, un autre tué par la chute d’un câble électrique. Sur un marché, d’autres coups de feu retentissent : des commerçants défendent leurs marchandises en tirant sur les émeutiers.  

L’émeute durerait ainsi neuf heures avant que des corps spéciaux de l’armée (« the Frontier Constabulary and the Frontier Corps ») parviennent à y mettre fin. Sur les 124 blessés recensés, 18 sont des flics ; 450 personnes sont arrêtées. Outre les intenses affrontements qui ne permettent pas ici d’attribuer les dégâts à la passivité policière, l’agitation de Peshawar se distingue aussi de celle de Lahore par son attachement plus marqué au motif annoncé de la manifestation. Les slogans contre le Danemark et la crémation de drapeaux danois, inexistants ou non rapportés pour les événements de la veille, ont clairement cours cette fois. Dans cette ville proche de la frontière afghane, le contexte est plus particulier, un nombre important de réfugiés afghans aurait pris part à l’émeute. Si, à la lumière de ses conséquences pratiques, l’émotion collective n’est pas réductible aux mots d’ordre des organisations religieuses, elle semble moins libératrice que dans la capitale pendjabie.

Dans cette dernière, c’est aux alentours de l’université du Pendjab que l’on s’anime ce même mercredi. L’Islami Jamiat-e-Talaba, la branche étudiante du Jamaat-e-Islami, organise une manifestation à laquelle prennent part 1 500 personnes, en majeure partie des étudiants. Il y a des affrontements pendant lesquels un flic est tabassé, puis, lorsque les gaz ne suffisent plus, les gardiens de l’Etat font feu. Un manifestant est tué, des dizaines blessés. Une fois la nuit tombée, des petits groupes de gueux essaient de reprendre les festivités de la veille. Près du Mall, de nouveaux combats contre les flics ont lieu.

Durant la même journée, dans la ville de Tank, située à quelques centaines de kilomètres au sud de Peshawar, il est signalé l’incendie de dizaines de commerces de disques par 2 000 manifestants furieux auquel succèdent des affrontements avec les cognes. Plusieurs localités de la région sont ainsi le théâtre de manifestations plus ou moins violentes.    

Les jours suivants, si l’agitation continue dans nombre de villes du pays, elle ne connaît plus le niveau atteint en ce milieu de mois. L’Etat pakistanais n’en est pas moins aux prises avec une propagation des troubles :


Le 16, grève et agitation à Okara (55 arrestations), Sheikhupura (50 arrestations « for rioting and taking out a protest rally), Sargodha (affrontements avec les flics, 5 blessés). A Karachi et Multan, les manifestations se déroulent dans le calme.

Grève à Karachi le 17, dans le quartier de Sohrab Goth, blocage d’une route, quelques échauffourées avec les flics, incendie d’une ambulance, caillassage de voitures, 50 arrestations, quelques flics blessés ; mêmes scènes dans d’autres quartiers.

Le 18 : « La police pakistanaise a ouvert le feu samedi sur des manifestants qui protestaient contre les caricatures de Mahomet à Chaniot dans l’est du pays, faisant au moins quatre blessés, selon la police. Plusieurs centaines de personnes s'étaient rassemblées dans cette petite ville, située à environ 300km au nord-est de Multan dans l'est du Pakistan, pour protester contre la publication de caricatures du prophète de l'Islam dans la presse européenne. D'après Mohammad Ishaq, un responsable de la police locale, les policiers ont tiré sur des manifestants qui tentaient d'incendier des magasins.»

Le 19, affrontements à Islamabad alors que des manifestants enfreignent l’interdiction de manifester, trois heures d’affrontements dans plusieurs quartiers, arrestation d’un des leaders du MMA. Même jour : « Hundreds of Muslims burned a church in the southern city of Sukkur. No worshippers were inside at the time, but one person was hurt afterward when police fired tear gas. Local police chief Akbar Arian said the riot was not sparked by the cartoons but by allegations that a local Christian had burned pages of Islam's holy book, the Quran _ another sign of the heightened sectarian tensions in this overwhelmingly Muslim nation. »



On le voit, ce n’est pas seulement un défaut d’intensité qui incite à relativiser une telle suite, mais comment ce défaut se traduit par un recul comparé à ce qui avait commencé à être transgressé à Lahore et Peshawar. Et jusqu’à début mars, ce mouvement de grèves et de mobilisations se poursuit sans offrir de moments véritablement négatifs, du moins d’après ce que l’on peut en percevoir à partir des informations à disposition.

L’Etat se démène tout de même pour museler comme il le peut les récupérateurs islamistes du MMA, qui maintiennent une certaine tension. Il paraît également plus prompt à tuer dans l’œuf tout commencement d’émeute comme semblent l’indiquer les tirs préventifs de Chaniot. Dans cette même logique d’une plus grande efficacité répressive, les émeutiers arrêtés à Peshawar servent d’exemples, ils passent devant un tribunal spécial anti-terroriste. Du moins pour ceux d’entre eux qui sont majeurs, puisqu’un certain nombre a entre 10 et 15 ans d’après un article du Dawn daté du 17 février. Il semble d’ailleurs qu’à défaut d’émeutiers pris sur le vif, les centaines d’inculpés soient le fruit d’un ratissage tardif où n’importe qui a été arrêté n’importe comment. Dans toute la province du Nord-Ouest, les « institutions de l’éducation », devenues vraisemblablement les points de ralliement des protestataires, sont fermées pour une semaine. A Lahore, d’importants renforts de Rangers sont acheminés dans la ville pour empêcher que reparte un feu qui semble couver plusieurs jours durant sous les cendres de l’incendie du 14. Eux ou d’autres flics effectuent des descentes chez de supposés activistes des partis politiques religieux, dès lors empêchés de participer aux protestations. D’autres arrestations du même type ont lieu à Islamabad, des déploiements policiers importants et des interdictions de se rassembler touchent d’autres localités jusqu’à la fin du mois.

Dans l’information régionale, les événements se réduisent à la confrontation entre la nébuleuse des organisations islamistes, la plupart regroupés au sein du MMA, c’est-à-dire le plus important parti de l’opposition officielle, et le pouvoir central, confrontation qui se joue depuis que le putschiste Musharraf s’est vendu à la coalition des Etats occidentaux en 2001. Seulement, entre ces deux parties, il reste l’irruption de la brève mais violente tempête gueuse du 14 et du 15. A ce propos, les deux polichinelles du faux débat se renvoient les responsabilités des troubles voire s’imputent leur organisation. Car quelque dimension qu’ait eu l’affaire des caricatures, la plupart des déclarations des témoins de ces journées-là s’accordent pour reconnaître qu’elle n’est pas la réponse à la question sur leurs causes et leur sens.  Il s’exprime davantage une incompréhension, un hébétement. Comme par exemple chez ces deux journalistes indiens témoins de l’émeute : « But why are they rioting against themselves, destroying their own city, their own businesses, it’s like self-flagellation over something your enemy does to you instead of hitting back at the culprit? ». Comme si les villes appartenaient aux pauvres qui les remplissent, comme si « leur business » n’était pas justement ce qui les dépossède.

Pour rassurer les spectateurs hébétés, le secrétaire général du Jamaat-e-Islami pour la ville de Lahore s’offre une page dans l’édition du 22 février du journal The News, dans laquelle il s’emploie à expliquer pourquoi les protestations sont devenues violentes. Il y reconnaît que les destructions ont pris une dimension bien au-delà des seules compagnies européennes et par conséquent bien au-delà du motif annoncé, il décrit les émeutiers comme des jeunes frustrés des « classes » populaires et moyennes qui n’étaient pas armés comme l’ont selon lui montré les images des télés, il désigne deux déclencheurs aux troubles de Lahore : tirs de gaz sur le Lower Mall et tirs à balles réelles du gardien de la banque. S’il démystifie ainsi le discours interprétatif jusque là tenu par les observateurs étatiques et journalistiques, c’est pour ensuite attribuer le déclenchement proprement dit des violences à des agents secrets infiltrés parmi les manifestants. Il s’appuie pour cela sur leur commencement près du Mall plus d’une heure avant le départ de la marche (cette thèse n’est pas reprise par d’autres articles sinon dans le témoignage d’un autre responsable de parti religieux), sur les moyens utilisés par les émeutiers pour créer d’importants incendies, c’est-à-dire sur la supposée préparation requise pour ce faire, ainsi que sur le peu de réactions policières. De ce fait, il lave les militants islamistes de toute instigation des troubles, ce qu’on lui accorde volontiers. Ses longs arguments pour les blanchir finissent même, au bout du compte, par laisser la seule responsabilité des actes à ceux qui les ont commis : des pauvres quelconques, mais en colère. C’est ensuite sur les motifs de cette colère qu’en bon récupérateur il se suffit d’une explication partielle. Elle ne serait en effet dirigée que contre les forces occidentales, car alimentée depuis cinq ans par les exactions qu’elles commettent et les humiliations qu’elles font subir dans la région. Voilà ce qui le rapproche de ses prétendus ennemis occidentaux, voilà la juste description de ce dans quoi tous ceux-là voudraient enfermer les pauvres dans cette zone du monde. Ce double enfermement si caractéristique de l’opposition spectaculaire, de ce que d’autres appelaient la bipolarité à l’époque de la guerre froide, aujourd’hui bipolarité mouvante modernisée par la médiation de l’information dominante et par les moyens du terrorisme.

Les émeutes de Lahore et de Peshawar sont restées, dans la représentation qui en a été donnée, le résultat de la colère des musulmans, et dans un deuxième temps du fanatisme des intégristes. Les médias ont déclenché les manifestations, servi la propagation des troubles [1], sur la base d’une représentation qui est dans sa phase de « concrétisation » intensive depuis 2001. La guerre d’Afghanistan puis celle d’Iraq, avec les occupations qui leur ont fait suite, ont servi son application. Pour nombre de pauvres regroupés sous l’identité musulmane, elles désignent un évident ennemi. Seulement, cet ennemi s’est choisi lui-même son adversaire, a choisi lui-même ce derrière quoi doivent se rassembler les pauvres qu’il persécute, avec l’islamisme. Si la majeure partie des pauvres n’entre pas dans ce schéma, dans cette dichotomie fantasmée des humains, tant qu’elle n’est pas critiquée une telle représentation sert à aspirer et à calomnier la révolte, et ce préventivement. Cette zone du monde de plus en plus étendue, qu’elle qualifie de « monde musulman », est un des axes principaux au cœur du discours de l’information la plus commune, sur le monde. Mais c’est une surmédiatisation sans détails. Iraq, Pakistan, Afghanistan, Iran, Syrie, constituent le repaire du mal, de la bête, de la représentation manichéenne du négatif. Avec cette mainmise des observateurs, ennemis de la révolte et ignorants de l’histoire, sur la médiation des actes des gueux, il semble que soit installée dans ces endroits de plus en plus nombreux une sorte de filtre permanent qui interdit à la colère sincère de donner naissance au débat. L’épisode des caricatures est caractéristique du niveau d’avancement de cette tyrannique grille de lecture.

On a vu que plus on s’éloigne du minuscule point de départ des événements, moins les faits s’accordent avec ce qu’en dit l’information à l’origine de ce point de départ. Entre Damas et Lahore, lorsqu’on fait l’effort d’aller plus loin que le nivellement journalistique, il y a les différences fondamentales qu’il y a entre l’anodin et l’éruption de la nouveauté. Or les événements d’Afghanistan et du Pakistan ne sont que le premier acte des conséquences négatives des protestations anti-caricatures qui se poursuivent la seconde partie du mois, alors sur le continent africain.




1.  « Ameer ul-Azeem, a spokesman for United Action Forum, an opposition coalition of religious parties that have organized most of the protests in Pakistan, said television footage of violent attacks by protesters on embassies in other countries had prompted Pakistanis to do the same. He appealed for people to avoid violence in more demonstrations the coalition plans for later this month, but didn't expect people to follow his advice. "At least, there will be one violent protest in every village, town and city," he said. »


Population des villes touchées par la révolte
Lahore : estimée à 6.5 millions hab.  en 2006 (Wikipedia)
Peshawar : estimée à 2.2 millions hab.  en 2006 (Wikipedia)
Maïmana : 67 800 hab.  (www.citypopulation.de)
Qalat : 9 900 hab.  (www.citypopulation.de)




Première rédaction en février 2007, révisé pour publication en décembre 2007


Documents utilisés :

Documents concernant l’Afghanistan :

06-02-06 - BBC -- Caricaturas- tres muertos en protestas
06-02-06 - CBC News -- Clashes in Afghanistan leave 4 dead in protests over Prophet drawings
06-02-06 - Clarín -- Ya son cuatro los muertos en protestas por las caricaturas de Mahoma
06-02-06 - Le Nouvel Observateur -- Afghanistan au moins un mort et quatre blessés dans une manifestation contre les caricatures de Mahomet
06-02-06 - Newsday -- Afghan Rioters Demonstrate Over Cartoons
06-02-07 - AFP Yahoo! Actualités -- Caricatures de Mahomet : un camp norvégien attaqué en Afghanistan
06-02-07 - AFP Yahoo! Actualités -- Caricatures : quatre morts dans de nouvelles violences malgré les appels au calme
06-02-07 - AP Yahoo! Actualités -- Manifestations meurtrières contre les caricatures
06-02-07 - International Herald Tribune -- Leaders seek to calm Muslim fury
06-02-07 - Las Vegas SUN -- Rioters Clash With Afghan Police, NATO
06-02-07 - Le Figaro -- Caricatures de Mahomet : l'agitation s'étend
06-02-07 - Le Nouvel Observateur -- Manifestations meurtrières contre les caricatures
06-02-07 - Libération -- La rue musulmane ne décolère pas
06-02-08 - AP Yahoo! Actualités -- Caricatures : les violences font quatre morts en Afghanistan
06-02-08 - Boston Globe -- Islamic protests intensify; Afghan police fire on mob
06-02-08 - El Periódico -- Nuevos choques elevan a 14 los muertos en Afganistan por las caricaturas
06-02-08 - FOX News -- Top Afghan Islamic Group Calls for End of Riots
06-02-08 - The Guardian -- Two killed in Afghanistan cartoons protest
06-02-08 - Reuters Yahoo! Actualités -- Caricatures : violences et appels au calme se multiplient
06-02-08 - SignOnSanDiego -- 4 killed in Afghan protest over prophet drawings
06-02-09 - El País -- Sigue colera por dibujos de Mahoma
06-02-09 - Libération -- «Charlie» ose et Chirac tance
06-02-11 - Tacoma news - Anger sweeps at least 12 countries Furor over cartoons continues despite apology, pleas Seattle paper reprints caricatures

Documents concernant le Pakistan :

Hangu :

06-02-09 - Independent -- 22 killed during Pakistan procession
06-02-09 - Turkish Press -- Religious violence leaves 35 dead in Pakistan, Afghanistan
06-02-10 - CBC News -- Sunnis, Shias clash for second day in Pakistan
06-02-10 - Las Vegas SUN -- Shiites and Sunnis Battle in Pakistan
06-02-10 - Le Nouvel Observateur -- Au moins quatre morts dans une ville pakistanaise secouée par des violences sectaires
06-02-11 - Dawn -- Benazir grieved over Hangu incident
06-02-11 - Khaleej Times -- Standoff ends between Muslim groups after two days of deadly unrest in Pakistan

Gohawa:

06-02-08 - Khaleej Times -- Police deployed in Pak village after overnight violence over desecration of Quran
06-02-08 - The Australian -- Koran riots rock city

Caricatures :

06-02-07 - Dawn -- 5 die in global furore over cartoons
06-02-09 - Xinhuanet -- Quinze morts lors d'une explosion dans le nord du Pakistan (responsable chiite)
06-02-11 - Hindustan Times -- Extra troops deployed in bomb-hit Pak town South Asia
06-02-12 - Dawn -- Mandi riot ‘police initiated assault’
06-02-13 - AP Yahoo! Actualités -- Caricatures de Mahomet : intervention de la police pakistanaise contre des manifestants
06-02-14 - Dawn -- Arson, violence on day of mob rule in Lahore : Two rioters dead; slow police response alleged
06-02-14 - Las Vegas SUN -- Protesters Rampage in 2 Pakistani Cities
06-02-14 - NewKerala -- Indian mission stoned in Islamabad, two die in Lahore protest
06-02-15 - AFP Yahoo! Actualités -- Caricatures : les manifestations font 3 nouveaux morts au Pakistan
06-02-15 - Al Jazeera -- Mobs rampage in Pakistan
06-02-15 - AP Yahoo! Actualités -- Caricatures de Mahomet : troisième journée de manifestations violentes à Peshawar
06-02-15 - CBC -- 3 more die as violent protests over cartoons continue in Pakistan
06-02-15 - Diario de Ibiza -- Tres personas mueren en las violentas protestas de Pakistán contra las viñetas
06-02-15 - El Periódico -- Al menos 3 muertos en una protesta en Pakistán contra los dibujos de Mahoma
06-02-15 - Gulf Times -- Two killed in Pakistan as cartoon riots turn violent
06-02-15 - Haaretz -- Muslims riot over Mohammed cartoon in Pakistan and the Philippines
06-02-15 - Las Vegas SUN -- Pakistani Cartoon Protests Largest Yet
06-02-15 - Reuters -- Three die in Pakistan cartoon riots
06-02-15 - Reuters Yahoo! Actualités -- Caricatures : trois morts lors de manifestations au Pakistan
06-02-16 - CNN -- 40,000 Pakistanis protest cartoons
06-02-16 - Los Angeles Times --Three Die as Protests Continue Over Cartoons
06-02-16 - Salt Lake Tribune -- Three more die in cartoon riots
06-02-16 - The Muslim News -- Korean firm becomes victim of Muslim anger
06-02-16 - The News -- Protesters run amok in Peshawar
06-02-17 - AFP Yahoo! Actualités -- Caricatures : la crise prend une dimension diplomatique au Pakistan
06-02-17 - Dawn -- 55 protesters held across province
06-02-17 - Dawn -- 346 detained in Peshawar for rioting produced in courts
06-02-17 - Dawn -- A city stunned
06-02-17 - Gulfnews -- Karachi street protests
06-02-18 - AP Yahoo! Actualités -- Caricatures : la police ouvre le feu lors d'une manifestation au Pakistan, quatre blessés
06-02-18 - Dawn -- KARACHI: Complete strike in city observed Riots at Sohrab Goth
06-02-18 - The News -- One-day protest in Lahore causes Rs100m loss to banks
06-02-18 - The News -- Sporadic violence mars peaceful strike
06-02-19 - Houston Chronicle -- Pakistan's capital sealed off to quell cartoon protesters
06-02-19 - Monsters and Critics -- Clashes as Islamists in Pakistan violate protest ban (Roundup)
06-02-19 - Reuters Yahoo! Actualités -- Caricatures la police disperse des manifestants à Islamabad
06-02-20 - AP Yahoo! Actualités -- Des manifestants incendient une église au Pakistan
06-02-20 - CBS News -- Hundreds Arrested in Pakistan Protests
06-02-20 - The Guardian -- Church ablaze as cartoon protests continue across globe
06-02-21 - Christian Today -- Hundreds Arrested in Pakistan Cartoon Protest; Church Burned
06-02-22 - Dawn -- Punjab govt calls in more Rangers
06-02-22 - The News -- Why protest turned violent
06-02-24 - AFP Yahoo! Actualités -- Pakistan : manifestations et arrestations d'islamistes
06-02-28 - Gulfnews -- Hundreds protest against cartoons despite ban on rallies
06-02-28 - The Scotsman -- 5,000 children protest cartoons
06-02-?? - The News -- Special Report
06-03-03 - Daily Times -- Lahore on high alert
06-03 - Monde Diplomatique -- Voyage à l’intérieur des madrasa pakistanaises
06-05-09 - RFI -- Le campus des islamistes




    Homélies médiatiques blasphémées en Afghanistan, profanations contre la marchandise et l’Etat au Pakistan

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