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médiatiques blasphémées en Afghanistan, profanations contre la marchandise et l’Etat au Pakistan
Homélies médiatiques blasphémées en
Afghanistan, profanations contre la marchandise et l’Etat au
Pakistan
« L’affaire » des caricatures
Au début du mois de février 2006, une sorte de
crise médiatico-diplomatique au sujet de dessins satiriques
moquant le prophète Mahomet, parus cinq mois auparavant dans
un obscur journal danois, donne lieu à une série
de manifestations dans plusieurs Etats musulmans. Ce qui ne tracassait
encore au mois de janvier que les instances islamiques (Etats
d’Arabie Saoudite et du Koweït) et quelques partis
islamistes (Jamaat-i-Islami en particulier) prend de
l’ampleur lorsqu’une dizaine de journaux
d’Europe occidentale publient les caricatures
incriminées dans leurs éditions du 1er
février.
Le 3 février, des rassemblements de quelques centaines de
manifestants ont lieu dans plusieurs pays, de la Mauritanie
à l’Indonésie, en passant par la
Turquie et le Liban. Par l’intermédiaire de
l’information mondiale, qui en est à
l’origine, le blasphème, tout juste bon
à exciter deux ou trois curés musulmans, devient
une affaire internationale érigée en symbole du
choc des civilisations. C’est du moins ce que sous-entend une
couverture démesurée de
« l’affaire ». Aux
images dilatées de poignées de militants
brûlant des drapeaux danois s’ajoutent les
déclarations officielles de plusieurs chefs d’Etat
de pays musulmans, qui s’engouffrent dans la
brèche en feignant l’indignation.
L’événement, microscopique et
insignifiant au départ, advient comme
énième confirmation de la nouvelle opposition
spectaculaire Occident-Islam, consacrée par les attentats du
11 septembre 2001 et dont il faut chercher les origines dans la
contre-révolution iranienne. Il est une création
de l’information, un exemple typique de la façon
dont sa représentation de ce qui a lieu influe sur ce qui a
lieu. L’événement ainsi
créé reste, quasiment à coup
sûr, sous l’emprise de cette
représentation. Pour cette raison, il pourrait
paraître vain de chercher dans les conséquences de
ce scandale fabriqué les traces d’un
négatif fécond,
l’interprétation des actes de destruction qui ont
lieu durant ce mois de février a été
donnée avant qu’ils ne se produisent.
C’est du moins clairement le cas pour certains Etats au
début du mois où les faits
déclenchés restent rivés à
la mise en scène qui les a fait naître. Pour
d’autres plus tard, ça paraît moins
évident, l’information a de nouveau besoin de
déformer ce qui s’y passe pour qu’ils
rentrent dans le cadre qu’elle a préalablement
posé. En critiques modernes et conséquents de la
représentation, nous avons voulu aller voir si sous
l’épaisse couche
d’interprétation hâtive et faussement
neutre, les actes collectifs des pauvres n’avaient pas
dérivé de leur déclencheur
dérisoire vers une critique véritable. Il a fallu
aller vérifier dans ce à quoi, par principe, nous
n’avions tout d’abord accordé que peu
d’importance, car au moins au Pakistan, il semblait tout de
même s’être produit plusieurs
émeutes majeures. On remarquera, contrairement à
l’apparente unité des faits
véhiculée à travers
l’information,
l’hétérogénéité
des actes collectifs dits anti-caricatures suivant les Etats dans
lesquels ils ont été commis, et suivant le moment
où ils ont eu lieu.
La série d’attaques contre les ambassades danoises
commence à Damas le 4 février. Des dizaines de
manifestants s’extraient du défilé pour
mettre le feu au bâtiment qui abrite également les
ambassades de Norvège et du
Chili – cette dernière, qui ne
cadre pas avec le contexte, disparaîtra progressivement des
dépêches d’agences de presse par la
suite. S’il y a bien quelques
échauffourées avec les flics
anti-émeutes, ces débuts de
débordements ne vont pas plus loin, les destructions ne
s’étendent à aucune autre cible.
Quelques observateurs, dont les gestionnaires américains,
accusent El-Assad d’avoir laissé faire les
vandales, voire d’avoir encouragé
l’attaque. Ils porteront les mêmes accusations,
probablement en partie fondées, sur les dirigeants iraniens
lorsque quelques jours plus tard les bassidjis attaqueront à
leur tour les installations diplomatiques danoises à
Téhéran, cela sans rencontrer de forte
résistance.
Le lendemain, c’est au Liban que le consulat du Danemark est
pris d’assaut et brûlé au cours
d’une manifestation déjà plus massive
que celle de la veille en Syrie. La colère
déborde sur un quartier chrétien de Beyrouth. Des
voitures sont retournées, des commerces ainsi
qu’une église lapidés, des camions de
pompiers brûlés. Les affrontements avec les flics
sont intenses et assez longs. Dès le lendemain, le ministre de l’intérieur est
éjecté. Malgré de tels
débordements, il semble que le contexte libanais
couplé au déclencheur de la protestation
n’autorisent pas, sans s’illusionner, à
déceler là la possible ouverture vers une
quelconque nouveauté.
A l’issue de ce week-end, les manifestants se comptent
maintenant par milliers dans les villes des Etats musulmans.
Ça s’agite un peu partout. Sur la scène
publique, une espèce de brouhaha
généralisé s’installe.
L’ensemble de ceux qui se prévalent de
représenter des pans entiers du genre humain se plie
à l’ordre du jour médiatique et chacun
y mêle sa voix, soit pour apaiser soit pour
échauffer un bouillonnement encore inoffensif. En Iran comme
en Syrie, sous les menaces récentes des Etats-Unis, les
gestionnaires semblent accueillir les troubles comme du pain
bénit. Dans les Etats dont les gouvernants ont fait
clairement allégeance aux Etats occidentaux, la situation
est plus problématique.
A l’est du Moyen-Orient
En
Afghanistan, c’est en province que les manifestations se
corsent et leurs cibles n’ont d’abord pas
grand-chose à voir avec celles des
événements de Syrie et du Liban. Le 6
février, la principale base américaine du pays
est attaquée par 2 000 manifestants à Bagram, dans
le centre de l’Etat. A ce moment, aucun journal
américain n’a encore reproduit les caricatures, et
on ne sait pas si cette manifestation, qui tourne à
l’émeute et au cours de laquelle deux manifestants
sont tués, a vraiment un rapport avec le
blasphème danois, même si dans sa façon
de l’annoncer l’information le laisse clairement
entendre. Idem plus à l’est, la ville de
Mihtarlam, capitale de la province de Laghman, est elle aussi le
théâtre d’une manifestation violente.
Des centaines de manifestants caillassent des bâtiments
gouvernementaux ainsi que les flics, sur lesquels sont
également jetés des couteaux. Deux personnes sont
tuées par les tirs policiers. Le 7 à
Maïmana (ou Meymana), dans le Nord, un camp de soldats
norvégiens de l’Otan est pris pour cible par 200
à 300 manifestants. Aux pierres lancées
s’ajouteraient quelques grenades, plusieurs militaires
norvégiens sont blessés. La police afghane fait
feu tuant quatre assaillants. Le 8 à Qalat, ville
située plus au sud, plusieurs centaines de manifestants
s’en prennent aux flics dont ils attaquent le
siège puis aux militaires près d’une
base américaine. Trois camions-citernes ou
réservoirs de carburant sont incendiés ainsi
qu’une école. Les flics afghans tuent à
nouveau, deux ou quatre manifestants.
Il semble que l’atmosphère
générée à
l’échelle du monde par la médiatisation
des caricatures danoises et des agitations du Moyen-Orient, ici
principalement relayée par les radios, soit surtout
l’occasion pour les gueux d’Afghanistan de
concrétiser leur colère contre
l’occupant occidental. Ils sont à
l’offensive, prennent les installations ennemies
d’assaut. La manifestation organisée directement
contre les caricatures à Kaboul reste maigre et peu
agitée sinon par la tentative de quelques
étudiants de pénétrer dans
l’ambassade du Danemark. Comme avec la plupart des
événements négatifs dans cet Etat, la description
sommaire des faits en
province oblige à rester prudent quant à
l’interprétation que l’on peut en faire.
Selon les dires des responsables policiers, là où
des manifestants ont été tués,
certains d’entre eux étaient armés et
ont tiré. De là, leurs supérieurs ont
tôt fait d’imputer l’organisation des
troubles à Al Qaeda et aux talibans. Mais,
d’après les informations dont on dispose, aucun
flic ou militaire n’a semble-t-il été
blessé par balles. De même il est clair que les
manifestants afghans ont principalement utilisé la
caillasse, et que s’ils ne sont pas devenus de
manière plus explicite des groupes armés de
talibans sous la plume des journalistes occidentaux, qui
n’ont pas pour habitude, concernant de tels Etats, de
s’embarrasser de nuances, on peut se dire qu’ils
étaient bien, pour la plus grande part d’entre
eux, des anonymes associés du moment comme tous ceux qui
pratiquent l’émeute dans le reste du monde.
Les principales villes, où ont pourtant eu lieu de grandes
manifestations, n’ont pas été
touchées par la révolte, les émeutes
des petites et moyennes villes de l’Est se sont
vraisemblablement épuisées dès les
premiers morts. Le déchaînement de
colère est demeuré circonscrit dans le contexte
d’un Etat occupé militairement par les organismes
occidentaux, tout aussi difficile à évaluer
qu’en Haïti ou qu’en Iraq dès
lors qu’une sorte de résistance armée
s’active, enrôle, et que, dans cette guerre civile
larvée, l’occupant paraît focaliser
toute l’insatisfaction.
Quelques jours plus tard, à l’autre bout du pays,
une autre agitation a lieu. Il n’y est pas question de
caricatures, c’est la célébration de
l’Achoura qui échauffe la ville d’Hérat
le 9 et le 10 février. Deux groupes s’affrontent
à coups de pierres et de bâtons, deux
mosquées chiites partent en fumée
accompagnées de quelques voitures. Les combats de rue, au
cours desquels des coups de feu et des jets de grenades finissent par
être échangés, sont
présentés comme sectaires, et ont effectivement
tout l’air de l’être, même si
au passage les flics sont caillassés. A la même
occasion, une procession chiite est la cible d’un attentat
dans la ville pakistanaise d’Hangu, à quelques
kilomètres de la frontière afghane.
S’ensuit l’émeute pakistanaise typique
au cours de laquelle les incendies de commerces
n’ont pas l’ampleur à
même d’effacer des têtes les 35 morts de
l’explosion initiale. Les troubles se changent en
affrontements armés.
Au Pakistan, des manifestations contre les caricatures se
déroulent au moins depuis le 3 février sans
entraîner de désordre majeur. C’est un
autre « blasphème »
qui sert de prétexte au premier
événement négatif pour ce mois. Le 7
février, aux abords de Lahore, la deuxième ville
du pays, située à l’est près
de l’Inde, la découverte de pages du Coran dans
les égouts est annoncée des haut-parleurs de la
mosquée. Les habitants de Gohawa, rejoints par ceux de
villes voisines, prennent la rue. Ils seraient ainsi entre
1 000 et 4 000 à se regrouper à
la tombée de la nuit à proximité de
Lahore, pour certains armés de tiges de bambou. Ils
saccagent des voitures, mettent le feu à deux
cinémas, attaquent des propriétés
publiques et privées, et se battent avec les flics. Le
lendemain, mille flics supplémentaires sont
nécessaires pour restaurer l’ordre. Mais, entre
Achoura et caricatures, la tension entretenue par
l’information dominante et les curés musulmans
semble à ce moment-là offrir à la
colère la possibilité de s’exprimer au
moindre motif et de prendre des proportions inhabituelles.
Le 13 février à Peshawar, la manifestation
anti-caricatures, principalement composée
d’étudiants, est dispersée par la
police. Avant qu’ils ne s’éparpillent,
entre 4 000 et 7 000 marcheurs se dirigeaient vers la
résidence du gouverneur de la province, et avaient, au cours
du défilé, caillassé une
école ainsi que les bâtiments du club de la presse.
Emeutes majeures à Lahore et Peshawar
Ce n’est qu’au milieu du mois,
c’est-à-dire une dizaine de jours après les
premières manifestations du Liban et de Syrie, que des
troubles à l’occasion de la protestation dite
anti-occidentale prennent un tour véritablement de taille
à dépasser ses motifs
étriqués. A Lahore, où les esprits
ont, comme on l’a vu, commencé à
s’échauffer à la
périphérie une semaine auparavant, une
journée de grève, soutenue par les organisations
corporatistes des commerçants ainsi que celles des
transports, est prévue le mardi 14 février. Elle
doit être accompagnée d’une
manifestation appelée par plusieurs organisations musulmanes
de la ville associées pour la circonstance. Des milliers
d’habitants de Lahore répondent à
l’appel. Jusqu’à 15 000,
d’après certaines sources, se rassemblent au point
de rendez-vous convenu en début
d’après-midi. Dès après son
départ, la marche se change en excursion
émeutière.
Son déroulement est rendu avec une relative
précision par les journaux pakistanais. The News et Dawn
décrivent chronologiquement la progression des milliers de
manifestants exaltés, principalement adolescents, au
cœur de la capitale du Pendjab pakistanais. Sur le Lower
Mall, leur première victime n’est ni danoise ni
américaine mais étatique, c’est un
poste de police qu’ils arrosent de pierres.
Arrivés sur le Mall, la principale avenue
commerçante de la ville, les gueux se
déchaînent, d’autant plus alors que les
flics paraissent complètement pris de court. Ce sont des
fast-foods, des banques et les voitures garées là
qui font les frais de leur fureur. La foule se fragmente en de
multiples groupes se ruant sur des cibles diverses. Les commerces de la
rue tout d’abord, puis un hôtel et une salle
d’exposition de voitures auxquels ils mettent le feu. Plus
loin, ce sont d’autres fast-foods américains,
foisonnants à cet endroit de la ville, et d’autres
banques, qui sont dévastés. Un magasin de
téléphonie norvégien est mis
à sac puis incendié. Les vitrines tombent une
à une, des voitures brûlent. Devant le
siège de l’assemblée du Pendjab, les
flics tirent des lacrymos pour tenter de stopper les assaillants. Le
passage est forcé. A l’intérieur du
bâtiment gouvernemental on éclate tout ce qui peut
l’être, puis on en ressort après y avoir
mis le feu. A quelques pas de là, la façade des
bureaux de la compagnie aérienne pakistanaise est
vandalisée. A l’intersection suivante, sur Egerton
Road, les feux de circulation sont systématiquement
détruits comme les vitres et les pare-brises des voitures
des deux côtés de la rue. Il semble que ce soit
à ce moment-là que le gardien d’une
banque tire sur plusieurs émeutiers, en tuant deux et en
blessant plusieurs autres. L’incident
n’arrête pas l’émeute, le
souffle passe. Un groupe part caillasser l’immeuble de la
bourse, le Lahore Stock Exchange. Un nouveau fast-food et plusieurs
dizaines de voitures subissent le passage de la troupe. Ce sont alors
les « Rangers », la police militaire pakistanaise,
qui interviennent, venant prêter main forte aux flics
ordinaires. Ils parviennent à disperser provisoirement
l’émeute qui vient de faire un sort à
une agence de voyage. Ailleurs et un peu plus tard, sur Laxmi Chowk, 20
commerces sont saccagés, on en extirpe des victuailles avant
d’incinérer un kiosque de police. A Bhati Chowk,
on brûle un cinéma, on casse un
théâtre. Après l’intervention
des flics, l’émeute dure encore plusieurs heures
dans différents quartiers et par petits groupes,
là ce sont des stations-services qu’on incendie,
ici une boulangerie.
L’émotion semble s’épuiser au
cours de la nuit tandis que les forces de l’ordre se
déploient plus massivement. La liste des destructions
établie dans le récit ci-dessus n’est
pas exhaustive. On compte 500 véhicules détruits,
des commerces de toutes sortes ainsi qu’un nombre important
de banques saccagés, pillés et parfois
incendiés. Contrairement à ce que laissent penser
les courts comptes-rendus des agences de presse internationales, les
représentations occidentales, si elles en ont effectivement
pris pour leur grade, n’ont pas seules focalisé
toute la rage des émeutiers. Les journaux pakistanais le
remarquent d’ailleurs, déplorant notamment
l’attaque du restaurant « historique »
Shezan, celle des bureaux d’un société
de textile nationale, et d’autres officines bien du pays.
Il n’y aurait alors que 100 à 150 arrestations,
nombre qui augmentera au cours des jours suivants. Certains
témoins dénonceront la passivité des
flics, qui semblent avoir été
entièrement dépassés par les
événements. Leur chef aurait même
été retenu en otage une dizaine de minutes par
les émeutiers : « So much so, the chief of
operation Lahore police, Aamir Zulfikar Khan, was attacked by the angry
mob in the presence of scores of policemen on the
Mall. » et encore : « Lahore operations
police chief Aamir Zulfikar Khan, who was present there, was not in a
good shape after being held hostage for 15 minutes by the rioters. He
was later shifted to the Services Hospital for treatment. »
Le même jour à Islamabad, une manifestation de
quelques milliers, constituée pour une bonne part
d’étudiants, est l’occasion du
caillassage d’un bâtiment diplomatique indien ainsi
que d’une banque. Sa dispersion précoce
entraîne des affrontements et une centaine
d’arrestations. Comparé à celui de
Lahore, l’événement reste mineur.
D’après certains commentateurs, dont des
responsables étatiques, l’émeute de
Peshawar, le lendemain, est directement provoquée par la
relation des événements de Lahore dans
l’information. Le nombre de manifestants est
multiplié par dix par rapport à la
journée du 13, ils seraient entre 40 000 et 70 000
à envahir les rues de cette ville du Nord-Ouest,
à l’appel du même type
d’association qu’à Lahore. De la
même façon que dans la ville de l’Est,
la grève, soutenue par les organisations de
commerçants et de transporteurs, paraît
très suivie. Et là aussi, le
défilé ne reste pas calme longtemps.
D’après le président de
l’organisation centrale des commerçants, les tirs
de lacrymos des flics seraient les déclencheurs de
l’embrasement lorsque le premier accès de panique
laisse la place à un mouvement de colère.
Vitrines, panneaux, feux de circulation, câbles de
téléphone, tout ce qui dépasse est
arraché, piétiné, brisé. Du
mobilier urbain on passe aux entreprises « nationales et
multinationales » dont les saccages sont
accompagnés de pillages. Les milliers
d’émeutiers se répandent dans la ville,
s’attaquant à divers édifices : la gare
routière est pillée puis incendiée
avec les bus qu’elle contient, plusieurs bureaux de la
société téléphonique
norvégienne télénor sont
détruits ; des commerces, un fast-food, des
cinémas, une banque subissent le même sort. Une
station service flambe, le pipeline qui approvisionne la ville en gaz
est « endommagé ». Flics et militaires
semblent plus nombreux et plus actifs qu’à Lahore.
Les affrontements sont violents, d’abord à base de
jets de pierres contre les charges à la matraque, puis
à balles réelles. Certains manifestants seraient
armés et tireraient sur les flics, c’est du moins
ce que rapportent les responsables policiers pour justifier leurs
propres tirs. Il y a deux morts par balles, un autre tué par
la chute d’un câble électrique. Sur un
marché, d’autres coups de feu retentissent : des
commerçants défendent leurs marchandises en tirant
sur les émeutiers.
L’émeute durerait ainsi neuf heures avant que des corps spéciaux de
l’armée (« the Frontier Constabulary and
the Frontier Corps ») parviennent à y mettre fin.
Sur les 124 blessés recensés, 18 sont des flics ;
450 personnes sont arrêtées. Outre les intenses
affrontements qui ne permettent pas ici d’attribuer les
dégâts à la passivité
policière, l’agitation de Peshawar se distingue
aussi de celle de Lahore par son attachement plus marqué au
motif annoncé de la manifestation. Les slogans contre le
Danemark et la crémation de drapeaux danois, inexistants ou
non rapportés pour les événements de
la veille, ont clairement cours cette fois. Dans cette ville proche de
la frontière afghane, le contexte est plus particulier, un
nombre important de réfugiés afghans aurait pris
part à l’émeute. Si, à la
lumière de ses conséquences pratiques,
l’émotion collective n’est pas
réductible aux mots d’ordre des organisations
religieuses, elle semble moins libératrice que dans la
capitale pendjabie.
Dans cette dernière, c’est aux alentours de
l’université du Pendjab que l’on
s’anime ce même mercredi. L’Islami
Jamiat-e-Talaba, la branche étudiante du Jamaat-e-Islami,
organise une manifestation à laquelle prennent part 1 500
personnes, en majeure partie des étudiants. Il y a des
affrontements pendant lesquels un flic est tabassé, puis,
lorsque les gaz ne suffisent plus, les gardiens de l’Etat
font feu. Un manifestant est tué, des dizaines
blessés. Une fois la nuit tombée, des petits
groupes de gueux essaient de reprendre les festivités de la
veille. Près du Mall, de nouveaux combats contre les flics
ont lieu.
Durant la même journée, dans la ville de Tank,
située à quelques centaines de
kilomètres au sud de Peshawar, il est signalé
l’incendie de dizaines de commerces de disques par 2 000
manifestants furieux auquel succèdent des affrontements avec
les cognes. Plusieurs localités de la région sont
ainsi le théâtre de manifestations plus ou moins
violentes.
Les jours suivants, si l’agitation continue dans nombre de
villes du pays, elle ne connaît plus le niveau atteint en ce
milieu de mois. L’Etat pakistanais n’en est pas
moins aux prises avec une propagation des troubles :
Le 16,
grève et agitation à Okara (55 arrestations),
Sheikhupura (50 arrestations « for rioting and taking out a
protest rally), Sargodha (affrontements avec les flics, 5
blessés). A Karachi et Multan, les manifestations se
déroulent dans le calme.
Grève à Karachi le 17, dans le quartier de Sohrab
Goth, blocage d’une route, quelques
échauffourées avec les flics, incendie
d’une ambulance, caillassage de voitures, 50 arrestations,
quelques flics blessés ; mêmes scènes
dans d’autres quartiers.
Le 18 : « La police pakistanaise a ouvert le feu samedi sur
des manifestants qui protestaient contre les caricatures de Mahomet
à Chaniot dans l’est du pays, faisant au moins quatre
blessés, selon la police. Plusieurs centaines de personnes
s'étaient rassemblées dans cette petite ville,
située à environ 300km au nord-est de Multan dans
l'est du Pakistan, pour protester contre la publication de caricatures
du prophète de l'Islam dans la presse européenne.
D'après Mohammad Ishaq, un responsable de la police locale,
les policiers ont tiré sur des manifestants qui tentaient
d'incendier des magasins.»
Le 19, affrontements à Islamabad alors que des manifestants
enfreignent l’interdiction de manifester, trois heures
d’affrontements dans plusieurs quartiers, arrestation
d’un des leaders du MMA. Même jour : «
Hundreds of Muslims burned a church in the southern city of Sukkur. No
worshippers were inside at the time, but one person was hurt afterward
when police fired tear gas. Local police chief Akbar Arian said the
riot was not sparked by the cartoons but by allegations that a local
Christian had burned pages of Islam's holy book, the Quran _ another
sign of the heightened sectarian tensions in this overwhelmingly Muslim
nation. »
On le voit, ce n’est pas seulement un défaut
d’intensité qui incite à relativiser
une telle suite, mais comment ce défaut se traduit par un
recul comparé à ce qui avait commencé
à être transgressé à Lahore
et Peshawar. Et jusqu’à début mars, ce
mouvement de grèves et de mobilisations se poursuit sans
offrir de moments véritablement négatifs, du
moins d’après ce que l’on peut en
percevoir à partir des informations à
disposition.
L’Etat se démène tout de même
pour museler comme il le peut les récupérateurs
islamistes du MMA, qui maintiennent une certaine tension. Il
paraît également plus prompt à tuer
dans l’œuf tout commencement
d’émeute comme semblent l’indiquer les
tirs préventifs de Chaniot. Dans cette même
logique d’une plus grande efficacité
répressive, les émeutiers
arrêtés à Peshawar servent
d’exemples, ils passent devant un tribunal spécial
anti-terroriste. Du moins pour ceux d’entre eux qui sont
majeurs, puisqu’un certain nombre a entre 10 et 15 ans
d’après un article du Dawn daté du 17
février. Il semble d’ailleurs
qu’à défaut
d’émeutiers pris sur le vif, les centaines
d’inculpés soient le fruit d’un
ratissage tardif où n’importe qui a
été arrêté
n’importe comment. Dans toute la province du Nord-Ouest, les
« institutions de l’éducation », devenues vraisemblablement les points de ralliement des
protestataires, sont fermées pour une semaine. A Lahore,
d’importants renforts de Rangers sont acheminés
dans la ville pour empêcher que reparte un feu qui semble
couver plusieurs jours durant sous les cendres de l’incendie
du 14. Eux ou d’autres flics effectuent des descentes chez de
supposés activistes des partis politiques religieux,
dès lors empêchés de participer aux
protestations. D’autres arrestations du même type
ont lieu à Islamabad, des déploiements policiers
importants et des interdictions de se rassembler touchent
d’autres localités jusqu’à la
fin du mois.
Dans l’information régionale, les
événements se réduisent à
la confrontation entre la nébuleuse des organisations
islamistes, la plupart regroupés au sein du MMA,
c’est-à-dire le plus important parti de
l’opposition officielle, et le pouvoir central, confrontation
qui se joue depuis que le putschiste Musharraf s’est vendu
à la coalition des Etats occidentaux en 2001. Seulement,
entre ces deux parties, il reste l’irruption de la
brève mais violente tempête gueuse du 14 et du 15.
A ce propos, les deux polichinelles du faux débat se
renvoient les responsabilités des troubles voire
s’imputent leur organisation. Car quelque dimension
qu’ait eu l’affaire des caricatures, la plupart des
déclarations des témoins de ces
journées-là s’accordent pour
reconnaître qu’elle n’est pas la
réponse à la question sur leurs causes et leur
sens. Il s’exprime davantage une
incompréhension, un hébétement. Comme
par exemple chez ces deux journalistes indiens témoins de
l’émeute : « But why are they rioting
against themselves, destroying their own city, their own businesses,
it’s like self-flagellation over something your enemy does to
you instead of hitting back at the culprit? ».
Comme si les villes appartenaient aux pauvres qui les remplissent,
comme si « leur business »
n’était pas justement ce qui les
dépossède.
Pour rassurer les spectateurs hébétés,
le secrétaire général du
Jamaat-e-Islami pour la ville de Lahore s’offre une page dans
l’édition du 22 février du journal The
News, dans laquelle il s’emploie à expliquer
pourquoi les protestations sont devenues violentes. Il y
reconnaît que les destructions ont pris une dimension bien
au-delà des seules compagnies européennes et par
conséquent bien au-delà du motif
annoncé, il décrit les émeutiers comme
des jeunes frustrés des « classes »
populaires et moyennes qui n’étaient pas
armés comme l’ont selon lui montré les
images des télés, il désigne deux
déclencheurs aux troubles de Lahore : tirs de gaz sur le
Lower Mall et tirs à balles réelles du gardien de
la banque. S’il démystifie ainsi le discours
interprétatif jusque là tenu par les observateurs
étatiques et journalistiques, c’est pour ensuite
attribuer le déclenchement proprement dit des violences
à des agents secrets infiltrés parmi les
manifestants. Il s’appuie pour cela sur leur commencement
près du Mall plus d’une heure avant le
départ de la marche (cette thèse n’est
pas reprise par d’autres articles sinon dans le
témoignage d’un autre responsable de parti
religieux), sur les moyens utilisés par les
émeutiers pour créer d’importants
incendies, c’est-à-dire sur la supposée
préparation requise pour ce faire, ainsi que sur le peu de
réactions policières. De ce fait, il lave les
militants islamistes de toute instigation des troubles, ce
qu’on lui accorde volontiers. Ses longs arguments pour les
blanchir finissent même, au bout du compte, par laisser la
seule responsabilité des actes à ceux qui les ont
commis : des pauvres quelconques, mais en colère.
C’est ensuite sur les motifs de cette colère
qu’en bon récupérateur il se suffit
d’une explication partielle. Elle ne serait en effet
dirigée que contre les forces occidentales, car
alimentée depuis cinq ans par les exactions
qu’elles commettent et les humiliations qu’elles
font subir dans la région. Voilà ce qui le
rapproche de ses prétendus ennemis occidentaux,
voilà la juste description de ce dans quoi tous
ceux-là voudraient enfermer les pauvres dans cette zone du
monde. Ce double enfermement si caractéristique de
l’opposition spectaculaire, de ce que d’autres
appelaient la bipolarité à
l’époque de la guerre froide,
aujourd’hui bipolarité mouvante
modernisée par la médiation de
l’information dominante et par les moyens du terrorisme.
Les émeutes de Lahore et de Peshawar sont
restées, dans la représentation qui en a
été donnée, le résultat de
la colère des musulmans, et dans un deuxième
temps du fanatisme des intégristes. Les médias
ont déclenché les manifestations, servi la
propagation des troubles [1], sur la base d’une
représentation qui est dans sa phase de « concrétisation » intensive depuis 2001. La guerre
d’Afghanistan puis celle d’Iraq, avec les
occupations qui leur ont fait suite, ont servi son application. Pour
nombre de pauvres regroupés sous
l’identité musulmane, elles désignent
un évident ennemi. Seulement, cet ennemi s’est
choisi lui-même son adversaire, a choisi lui-même
ce derrière quoi doivent se rassembler les pauvres
qu’il persécute, avec l’islamisme. Si
la majeure partie des pauvres n’entre pas dans ce
schéma, dans cette dichotomie fantasmée des
humains, tant qu’elle n’est pas
critiquée une telle représentation sert
à aspirer et à calomnier la révolte,
et ce préventivement. Cette zone du monde de plus en plus
étendue, qu’elle qualifie de « monde
musulman », est un des axes principaux au cœur du
discours de l’information la plus commune, sur le monde. Mais
c’est une surmédiatisation sans
détails. Iraq, Pakistan, Afghanistan, Iran, Syrie,
constituent le repaire du mal, de la bête, de la
représentation manichéenne du négatif.
Avec cette mainmise des observateurs, ennemis de la révolte
et ignorants de l’histoire, sur la médiation des
actes des gueux, il semble que soit installée dans ces
endroits de plus en plus nombreux une sorte de filtre permanent qui
interdit à la colère sincère de donner
naissance au débat. L’épisode des
caricatures est caractéristique du niveau
d’avancement de cette tyrannique grille de lecture.
On a vu que plus on s’éloigne du minuscule point
de départ des événements, moins les
faits s’accordent avec ce qu’en dit
l’information à l’origine de ce point de
départ. Entre Damas et Lahore, lorsqu’on fait
l’effort d’aller plus loin que le nivellement
journalistique, il y a les différences fondamentales
qu’il y a entre l’anodin et
l’éruption de la nouveauté. Or les
événements d’Afghanistan et du Pakistan
ne sont que le premier acte des conséquences
négatives des protestations anti-caricatures qui se
poursuivent la seconde partie du mois, alors sur le continent africain.
1. «
Ameer ul-Azeem, a spokesman for United Action Forum, an opposition
coalition of religious parties that have organized most of the protests
in Pakistan, said television footage of violent attacks by protesters
on embassies in other countries had prompted Pakistanis to do the same.
He appealed for people to avoid violence in more demonstrations the
coalition plans for later this month, but didn't expect people to
follow his advice. "At least, there will be one violent protest in
every village, town and city," he said. »
Population des villes touchées par la
révolte
Lahore : estimée à 6.5 millions hab. en 2006
(Wikipedia)
Peshawar : estimée à 2.2 millions hab. en 2006
(Wikipedia)
Maïmana : 67 800 hab. (www.citypopulation.de)
Qalat : 9 900 hab. (www.citypopulation.de)
Première
rédaction en février 2007,
révisé pour publication en décembre
2007
Documents utilisés :
Documents
concernant l’Afghanistan :
06-02-06 - BBC -- Caricaturas- tres muertos en protestas
06-02-06 - CBC News -- Clashes in Afghanistan leave 4 dead in protests
over Prophet drawings
06-02-06 - Clarín -- Ya son cuatro los muertos en protestas
por las caricaturas de Mahoma
06-02-06 - Le Nouvel Observateur -- Afghanistan au moins un mort et
quatre blessés dans une manifestation contre les caricatures
de Mahomet
06-02-06 - Newsday -- Afghan Rioters Demonstrate Over Cartoons
06-02-07 - AFP Yahoo! Actualités -- Caricatures de Mahomet :
un camp norvégien attaqué en Afghanistan
06-02-07 - AFP Yahoo! Actualités -- Caricatures : quatre
morts dans de nouvelles violences malgré les appels au calme
06-02-07 - AP Yahoo! Actualités -- Manifestations
meurtrières contre les caricatures
06-02-07 - International Herald Tribune -- Leaders seek to calm Muslim
fury
06-02-07 - Las Vegas SUN -- Rioters Clash With Afghan Police, NATO
06-02-07 - Le Figaro -- Caricatures de Mahomet : l'agitation
s'étend
06-02-07 - Le Nouvel Observateur -- Manifestations
meurtrières contre les caricatures
06-02-07 - Libération -- La rue musulmane ne
décolère pas
06-02-08 - AP Yahoo! Actualités -- Caricatures : les
violences font quatre morts en Afghanistan
06-02-08 - Boston Globe -- Islamic protests intensify; Afghan police
fire on mob
06-02-08 - El Periódico -- Nuevos choques elevan a 14 los
muertos en Afganistan por las caricaturas
06-02-08 - FOX News -- Top Afghan Islamic Group Calls for End of Riots
06-02-08 - The Guardian -- Two killed in Afghanistan cartoons protest
06-02-08 - Reuters Yahoo! Actualités -- Caricatures :
violences et appels au calme se multiplient
06-02-08 - SignOnSanDiego -- 4 killed in Afghan protest over prophet
drawings
06-02-09 - El País -- Sigue colera por dibujos de Mahoma
06-02-09 - Libération -- «Charlie» ose
et Chirac tance
06-02-11 - Tacoma news - Anger sweeps at least 12 countries Furor over
cartoons continues despite apology, pleas Seattle paper reprints
caricatures
Documents concernant le
Pakistan :
Hangu :
06-02-09 - Independent -- 22 killed during Pakistan procession
06-02-09 - Turkish Press -- Religious violence leaves 35 dead in
Pakistan, Afghanistan
06-02-10 - CBC News -- Sunnis, Shias clash for second day in Pakistan
06-02-10 - Las Vegas SUN -- Shiites and Sunnis Battle in Pakistan
06-02-10 - Le Nouvel Observateur -- Au moins quatre morts dans une
ville pakistanaise secouée par des violences sectaires
06-02-11 - Dawn -- Benazir grieved over Hangu incident
06-02-11 - Khaleej Times -- Standoff ends between Muslim groups after
two days of deadly unrest in Pakistan
Gohawa:
06-02-08 - Khaleej Times -- Police deployed in Pak village after
overnight violence over desecration of Quran
06-02-08 - The Australian -- Koran riots rock city
Caricatures :
06-02-07 - Dawn -- 5 die in global furore over cartoons
06-02-09 - Xinhuanet -- Quinze morts lors d'une explosion dans le nord
du Pakistan (responsable chiite)
06-02-11 - Hindustan Times -- Extra troops deployed in bomb-hit Pak
town South Asia
06-02-12 - Dawn -- Mandi riot ‘police initiated
assault’
06-02-13 - AP Yahoo! Actualités -- Caricatures de Mahomet :
intervention de la police pakistanaise contre des manifestants
06-02-14 - Dawn -- Arson, violence on day of mob rule in Lahore : Two
rioters dead; slow police response alleged
06-02-14 - Las Vegas SUN -- Protesters Rampage in 2 Pakistani Cities
06-02-14 - NewKerala -- Indian mission stoned in Islamabad, two die in
Lahore protest
06-02-15 - AFP Yahoo! Actualités -- Caricatures : les
manifestations font 3 nouveaux morts au Pakistan
06-02-15 - Al Jazeera -- Mobs rampage in Pakistan
06-02-15 - AP Yahoo! Actualités -- Caricatures de Mahomet :
troisième journée de manifestations violentes
à Peshawar
06-02-15 - CBC -- 3 more die as violent protests over cartoons continue
in Pakistan
06-02-15 - Diario de Ibiza -- Tres personas mueren en las violentas
protestas de Pakistán contra las viñetas
06-02-15 - El Periódico -- Al menos 3 muertos en una
protesta en Pakistán contra los dibujos de Mahoma
06-02-15 - Gulf Times -- Two killed in Pakistan as cartoon riots turn
violent
06-02-15 - Haaretz -- Muslims riot over Mohammed cartoon in Pakistan
and the Philippines
06-02-15 - Las Vegas SUN -- Pakistani Cartoon Protests Largest Yet
06-02-15 - Reuters -- Three die in Pakistan cartoon riots
06-02-15 - Reuters Yahoo! Actualités -- Caricatures : trois
morts lors de manifestations au Pakistan
06-02-16 - CNN -- 40,000 Pakistanis protest cartoons
06-02-16 - Los Angeles Times --Three Die as Protests Continue Over
Cartoons
06-02-16 - Salt Lake Tribune -- Three more die in cartoon riots
06-02-16 - The Muslim News -- Korean firm becomes victim of Muslim anger
06-02-16 - The News -- Protesters run amok in Peshawar
06-02-17 - AFP Yahoo! Actualités -- Caricatures : la crise
prend une dimension diplomatique au Pakistan
06-02-17 - Dawn -- 55 protesters held across province
06-02-17 - Dawn -- 346 detained in Peshawar for rioting produced in
courts
06-02-17 - Dawn -- A city stunned
06-02-17 - Gulfnews -- Karachi street protests
06-02-18 - AP Yahoo! Actualités -- Caricatures : la police
ouvre le feu lors d'une manifestation au Pakistan, quatre
blessés
06-02-18 - Dawn -- KARACHI: Complete strike in city observed Riots at
Sohrab Goth
06-02-18 - The News -- One-day protest in Lahore causes Rs100m loss to
banks
06-02-18 - The News -- Sporadic violence mars peaceful strike
06-02-19 - Houston Chronicle -- Pakistan's capital sealed off to quell
cartoon protesters
06-02-19 - Monsters and Critics -- Clashes as Islamists in Pakistan
violate protest ban (Roundup)
06-02-19 - Reuters Yahoo! Actualités -- Caricatures la
police disperse des manifestants à Islamabad
06-02-20 - AP Yahoo! Actualités -- Des manifestants
incendient une église au Pakistan
06-02-20 - CBS News -- Hundreds Arrested in Pakistan Protests
06-02-20 - The Guardian -- Church ablaze as cartoon protests continue
across globe
06-02-21 - Christian Today -- Hundreds Arrested in Pakistan Cartoon
Protest; Church Burned
06-02-22 - Dawn -- Punjab govt calls in more Rangers
06-02-22 - The News -- Why protest turned violent
06-02-24 - AFP Yahoo! Actualités -- Pakistan :
manifestations et arrestations d'islamistes
06-02-28 - Gulfnews -- Hundreds protest against cartoons despite ban on
rallies
06-02-28 - The Scotsman -- 5,000 children protest cartoons
06-02-?? - The News -- Special Report
06-03-03 - Daily Times -- Lahore on high alert
06-03 - Monde Diplomatique -- Voyage à
l’intérieur des madrasa pakistanaises
06-05-09 - RFI -- Le campus des islamistes
Homélies
médiatiques blasphémées en Afghanistan,
profanations contre la marchandise et l’Etat au Pakistan