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Le 25 décembre 2004 dans la province de Guangdong (Chine)




A propos des faits ici décrits, une incertitude demeure quant à leur localisation précise : s’ils ont lieu dans la province de Guangdong, ce serait soit dans la ville de Dalang, soit dans celle de Dongguan, seulement séparées d’une vingtaine de kilomètres. Au vu du nombre important de participants aux affrontements, d’après certaines sources, et de leur durée assez longue, peut-être que ceux-ci ont commencé à Dalang pour ensuite se propager jusqu’à la plus grande Dongguan – et ce dans une zone fortement industrialisée, ce qui rapproche la révolte des villes : à environ 90 km au nord de Dongguan, on trouve Hong Kong, et Guangzhou (ou Canton) à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest.      

L’origine des affrontements généralisés du samedi 25 décembre 2004 semble se situer deux jours plus tôt, quand un homme jeune, lycéen ou étudiant, s’accidente à mobylette, peut-être lors d’une course. Le lendemain, vendredi 24, un de ses proches se rend dans le village de Qiufu (près de Dalang, dans la municipalité de Dongguan) pour demander des comptes au propriétaire de l’engin. Pour réponse, et peut-être accusé de vol, il est tabassé à mort par des gardes de sécurité – « battu à mort par la police » d’après l’article de RFI. Informés, 70 à 80 « proches » du mort se rendraient sur les lieux pour s’affronter aux gardes, ils en laissent 10 blessés. Un journaliste commente : « Those involved in the argument often recruit friends and family members to help out. » Mais le prétexte est dépassé, la dispute initiale entre proches du mort et gardes de sécurité se change en bataille massive.

D’autres flics sont envoyés en renforts, tandis que le rassemblement des protestataires grossit : suivant les sources, leur nombre varie de 1 à 50 milliers – il devient alors difficile d’expliquer la mobilisation par l’appel aux amis ou à la famille. S’ensuit une bataille rangée de plusieurs heures, dont l’évaluation maximale l’étend du début de l’après-midi jusqu’au soir. Les flics sont présents par centaines, équipés d’une trentaine de véhicules dont 7 blindés. 4 de leurs voitures sont détruites. Des ambulances sont renversées. Aux pierres et briques qui les criblent, les flics répondent par des tabassages, des tirs de lacrymogènes, et sans doute à balles réelles : le bilan officiel est de 4 morts et une centaine de blessés du côté des assaillants émeutiers, dont une douzaine serait arrêtée – une seule dépêche élève le chiffre des morts à 7, d’autres en évoquent « plusieurs » mais sans plus de précisions. 

Au contraire de la plupart des faits précédents concernant la Chine, pour lesquels l’information paraît en moyenne au moins 3 jours après qu’ils sont passés, ceux-ci sont rapportés dès le lendemain : dépêches françaises et anglo-saxonnes se réfèrent à deux journaux de Hong Kong, Apple Daily et Wen Wei Po – ce dernier est qualifié de « proche de Pékin » par un rédacteur de l’AFP –, et à des témoignages locaux. Il y est en particulier souligné la divergence entre les rapports des deux journaux hongkongais : le premier compte 1 000 émeutiers, le second jusqu’à 50 000 personnes aux prises avec les flics. Aucune autre source ne permet de trancher. On peut cependant s’étonner que le journal dit proche de Pékin, si l’autre estimation est plus juste, paraisse exagérer la masse des contestataires, à moins que ce ne soit pour légitimer la réaction répressive.


Quoiqu’il en soit, en ce mois de décembre 2004, il s’agit du troisième round, à notre connaissance, de l’opposition violente contre les bras armés de l’Etat chinois, après Qinzhou  et les « construction workers » , et du plus intense. Ceci pour s’opposer à l’interprétation dominante sur ces nouveaux affrontements, dont les acteurs assaillants des flics sont seulement et avec insistance définis comme « travailleurs migrants », « paysans-ouvriers », mingongs en chinois. De là, étant donnée la particularité des conditions qu’ils subissent, exploités, humiliés, traités en parias et « clandestins dans leur propre pays », leurs actes n’exprimeraient que leur désespoir, ils sont ainsi expliqués, justifiés, presque excusés : « (…) les migrants, plus que tout autre groupe, n'ont souvent pas d'autre moyen d'expression que la violence. » Mais, si l’on porte le regard au-delà de cet événement, pour embrasser de façon plus générale la situation en Chine depuis le début de décembre, et même depuis octobre 2004, ce contre quoi s’expriment ces malheureux et misérables « migrants », et la manière qu’ils ont de le faire, eh bien on observe qu’ils ne sont justement pas les seuls à le faire. L’espèce de justification particulariste de leurs actes ne tient plus. Certes on peut comprendre leur offensive comme l’expression d’une grande colère contre l’humiliation permanente qu’ils subissent, mais cette colère n’est pas isolée, ils ne sont pas les seuls en Chine à en faire montre.

A ce sujet il faut dire que les informateurs dominants, s’ils insistent sur l’identité spéciale de ces révoltés-là pour ainsi les séparer de leurs alliés possibles, n’ignorent pas la multiplication des « violences sociales » en Chine. Mais, au plus loin où ils les poussent, leurs analyses ne vont pas au-delà de la mise en cause du régime chinois, parce que ses manières ne cadrent pas avec leurs conceptions pseudo-démocratistes.



Première rédaction en janvier 2005, révisé pour publication en mai 2007


Documents utilisés :

04-12-26 - AP Yahoo! Actualités -- Plusieurs morts dans une émeute dans le Sud de la Chine
04-12-26 - AFP Yahoo! Actualités -- Plusieurs tués dans des émeutes opposant des migrants à la police en Chine
04-12-26 - Edicom News -- Plusieurs morts lors d'une émeute de migrants en Chine
04-12-26 - International Herald Tribune -- Chinese report riot in south
04-12-26 - Reuters Yahoo! News -- Thousands Clash with Police in Southern China
04-12-27 - Libération -- Soulèvement social en Chine du Sud
04-12-27 - RFI -- La révolte des «ouvriers paysans»
04-12-27 - VOA News -- Thousands Riot in China in Year Marred by Rising Civil Violence
04-12-29 - National Post -- Protest of 50,000 Chinese over alleged police beating results in 13 arrests




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