Proposition sur l’histoire – De la guerre du temps au début du 21ème siècle  > Première partie    







2. Observation des faits négatifs par le détournement
de l’information dominante






Nécessité




Suivant la conviction de la prévalence des actes collectifs de révolte sur la conscience d’individus isolés, leur observation s’est d’abord imposée comme un préalable à l’élaboration d’une critique théorique et à sa publicité. Comprendre l’état actuel du débat demandait à vérifier la présence et à évaluer la qualité de ce qui avait été identifié jusque-là comme son moteur. Notre observatoire a ainsi été façonné dans l’objectif de prendre connaissance des manifestations pratiques de l’insatisfaction. Son autre principale détermination consistait à se donner le point de vue le plus global possible, afin d’atteindre une compréhension d’ensemble du négatif, de la contradiction à l’œuvre, et d’en saisir le mouvement. En rendant leur place centrale aux faits, il s’agissait déjà d’éviter le travers de l’idéologie, à partir duquel on se prononce à leur sujet au mépris de ce qu’ils montrent, de ce qu’ils sont – voire même dans leur ignorance totale –, pour n’y trouver qu’une confirmation de ses certitudes théoriques. L’exigence de se placer du point de vue du général, quant à elle, devait permettre de parer le risque de jugements abusifs, de surévaluations consécutives à l’examen exclusif d’éclats de révolte isolés, par un sens de la mesure qui ne s’acquiert que dans la confrontation et la comparaison des événements entre eux suivant l’ensemble qu’ils forment, et les moments auxquels ils interviennent. 

Aujourd’hui où l’explication des événements est toujours annexée aux présupposés non affichés de ceux qui en rendent compte sans y avoir pris part, la nécessité d’un tel préalable n’est pour ainsi dire pas reconnue. La part potentielle d’inconnu qui s’ouvre par l’acte est niée au profit de l’idéologie de celui qui en parle, en même temps que la connaissance des faits est présupposée chez ceux qui sont pourtant censés les apprendre. Ces deux motifs sont principalement imputables à l’organisation monopolistique de l’information, et à l’absence de critique que ce monopole rencontre.

Il faut donc encore rappeler ce lieu commun : la médiatisation des faits dans le monde est entièrement aux mains de l’information dominante. Même si l’objectivité des informateurs est plus ou moins régulièrement mise en doute, jusqu’au sein des médias eux-mêmes, elle reste une prétention non réfutée des observateurs officiels, la condition de leur autorité. La confusion est sciemment entretenue entre ce qui a eu lieu et ce qui en est dit. A tous, les faits parviennent comme résultat, d’une sélection d’abord, d’un découpage et d’un montage ensuite, et les critères qui président à ces mises en forme, comme leur pratique même, ne sont exposés nulle part. Or la prétendue neutralité journalistique n’est qu’un leurre qu’agitent ceux qui ignorent ou qui nient le conflit historique dont ils sont pourtant partie prenante. Suivant l’adéquate métaphore du spectacle, l’information décide, par le maniement de son éclairage, de ce qui accède à la lumière et de ce qui reste dans l’ombre pour le spectateur. Les faits mis au jour au fil du quotidien demeurent séparés, sans considération de leur signification générale. Tant que cette emprise des informateurs n’est pas critiquée, tout discours sur les faits, ou à partir d’eux, est une allégeance à l’information, une soumission à son point de vue, à ses thèmes, à l’actualité qu’elle impose.

Conjointement à la recherche des manifestations du négatif, l’observation que nous menons depuis 2003 est une critique de l’information comprise comme observateur autocratique. Dans les proportions qui sont les siennes, il serait plus juste de parler de l’expérimentation d’une pratique critique. Nous n’avons pas la prétention de révéler, derrière le monologue quotidien des médias, une authenticité cachée, une vérité objective, toute prête, mais de montrer que l’information, qui a envahi si complètement la communication mondiale, peut être détournée, utilisée à des fins qui s’opposent radicalement à ce dont elle fait la promotion. Il ne s’agit pas de contempler les faits négatifs dans le monde, comme le terme même d’observation pourrait le laisser entendre, mais, relativement à ce qui leur manque encore et à ce qui constitue à notre sens leur principal obstacle, de rendre visible une unité de la révolte autrement occultée, d’émettre des propositions théoriques, des interprétations générales pour formuler les perspectives qui nous paraissent lui faire défaut. Hors de l’information dominante, parce que directement contre elle, ce que nous disons demande à être discuté, puisqu’il ne dépend que de nos seules consciences, bien insuffisantes pour statuer sur le cours du monde. Et c’est une discussion qui requiert de prendre parti, suivant ceux que détermine l’opposition actuelle entre l’information, et à travers elle le monde qu’elle défend et permet, et les actes de révolte, dans une pratique qui critique la première et permet de saisir les seconds.

Pour donner une dimension supérieure au débat ouvert en actes dans les émeutes et les soulèvements présents, il nous paraît primordial de se mesurer à ce qui nous permet de les connaître. L’objectif de supprimer l’information dominante – puisque c’est aussi de cela qu’il est inévitablement question – ne peut se suffire d’être sa simple dénonciation dans le discours, ni se contenter d’un vain repli hors de la visibilité. Ce n’est que dans l’élaboration d’une médiation ennemie de l’information, dont les moyens matériels restent à déterminer et à construire, mais dont nous proposons déjà quelques directions, principes et méthodes élémentaires, qu’il nous semble possible d’envisager le dépassement de cette médiation indépendante des humains. L’interprétation n’a de sens qu’orientée vers ce but, rompre la séparation pratique des faits négatifs entre eux en rompant avec ce qui organise cette séparation dans la représentation. 





Différentes phases 




Les principes fondateurs de l’observatoire ont été déterminés suivant des convictions générales amplement influencées par la téléologie moderne et le champ qu’elle a ouvert. C’est par les résultats théoriques, davantage que par sa présentation de la révolte, que nous avons découvert cette théorie sur la totalité. La nécessité propre de se saisir du négatif en actes ne fut ressentie que plus tard, et la rencontre de certains d’entre nous avec les membres de l’observatoire de téléologie à l’automne 2002 fut déterminante pour en comprendre l’importance. Ce lien de la théorie à la pratique, cette interaction, dont l’OT reconnaissait lui-même s’éloigner de plus en plus, redevenaient nécessaires. Relancer l’examen du négatif se fit logiquement à partir de ce qu’avait été l’expérience de la Bibliothèque des Emeutes une dizaine d’années auparavant. Mais si l’objet à investiguer restait, à quelques différences près, le même, c'est-à-dire l’émeute moderne, les méthodes, dérivées de la BE, furent adaptées aux évolutions de l’information dominante, principalement dues à l’apparition d’Internet dans le courant des années 1990, puis à sa généralisation dans la communication de l’information.

Dans une phase de découverte, la première étape a consisté en la mise au point d’un système de scrutation continue dans les éditions en ligne de la presse quotidienne, au moyen de moteurs de recherche consacrés à l’actualité. Suivant les langues que nous connaissons, il était ainsi possible de collecter des articles sur les émeutes d’alors en couvrant la majeure partie du monde. De la fin 2002 à l’automne 2003, l’observation menée en collaboration avec les téléologues est restée une prise de pouls du négatif. L’accumulation d’articles, et leur classification, a trouvé une première formalisation avec l’élaboration de chronologies mensuelles, alors comme simple documentation interne.

Les conclusions provisoires que nous livrons aujourd’hui dépendent évidemment de cette genèse, mais ce début lui-même a été révisé au fur et à mesure que ce qui est devenu notre observatoire gagnait en cohérence, en assurance, avec pour le présent rapport la prise en compte détaillée de ce qui s’est produit jusqu’au mois de mai 2008.

A la publication, au printemps 2007, des résultats des quatre années d’observation couvrant la période 2003-2006, nous avons fait un point sur notre méthode de consultation et de tri de l’information telle qu’elle s’était formalisée, qui a peu évolué depuis, sinon dans l’optique d’un allègement : depuis janvier 2007, la recherche par Google News a été interrompue, ceci se justifiant par le constat que ses résultats recoupaient globalement ceux de l’autre source anglophone. Furent aussi expliqués les méthodes et choix ayant présidé à l’élaboration de la chronologie générale publiée alors pour la période 2003-2006. Y sont notamment décrites les catégories qui nous ont paru les plus significatives pour opérer une classification des manifestations du négatif relativement à leur nature ainsi qu’à leur niveau d’intensité, leur propagation, l’importance que nous leur accordons du point de vue du débat. Cette première publication dédiée à l’observation consistait à expliquer une pratique, les façons dont nous procédions, tout en donnant une vue d’ensemble, encore sommaire, mais qui démontrait déjà l’omniprésence du négatif. Possibilité de savoir contre l’information, et affirmation de l’actualité de l’insoumission en actes offensifs, tel fut ce qui motivait alors de prendre la parole.

Toutefois, à un tel stade, la présentation des faits de révolte reste superficielle. Si les descriptifs chronologiques émanent d’une lecture critique des articles recueillis, la confrontation conséquente avec les interprétations médiatiques manque encore. Des examens détaillés, résultat d’un traitement plus approfondi de situations prises une à une, ont été opérés depuis 2004, d’abord comme pratique systématique, avec l’objectif de parvenir à des analyses générales par Etat, ensuite en se concentrant sur les révoltes qui avaient paru les plus fortes, les plus décisives, ceci au début de l’année 2005. [1]


Ce que nous appelons traitement est l’étape par laquelle nous entrons dans la complexité des situations, nivelée dans les descriptifs chronologiques, et qui donne lieu à un compte-rendu. L’approfondissement opéré consiste dans un premier temps à évaluer les faits négatifs préalablement repérés. La confrontation des articles recueillis permet de reconstituer avec la meilleure précision possible leur enchaînement du début à leur fin, comme de mesurer leur potentiel et leurs limites, l’ampleur de la mise en cause pour le monde. La rupture identifiée est examinée relativement aux particularités du contexte, de la région, de l’Etat, à la présence éventuelle d’encadrements, aux motifs initiaux du passage à l’acte. C’est le moment où l’on vérifie avec prudence la négativité avant de trancher un avis en formulant des réserves éventuelles que les informations à disposition n’auraient pu supprimer. Pour ce faire, la recherche de sources complémentaires peut se révéler nécessaire quand les documents issus de la veille sont insuffisants. Si elle est avérée, l’ouverture de débat est ensuite confrontée à l’interprétation médiatique, suivant ce qui contredit ou non les thèses des informateurs, de ceux qui rapportent les faits, qui ne manquent pas de les inscrire dans la vision générale qu’ils colportent sur le monde. Il se montre par ce biais ce qu’il est interdit de savoir par la seule consultation quotidienne de la presse, parce qu’il n’entre pas dans le cadre, dans la grille de lecture, qui façonne le point de vue dominant régissant l’actualité : par centaines ou milliers, des pauvres comme tant d’autres amorcent la dénonciation de la pauvreté de leur vie en attaquant ce qui la maintient, l’entretient et l’occulte.

Les événements traités ainsi sont en général des pics, les moments offensifs les plus intenses qu’il nous a été donné de connaître. C’est déjà en eux-mêmes et pour eux-mêmes qu’ils nous importent, pour ce que leurs auteurs ont ouvert à leur propre échelle. Bien sûr, nous l’analysons suivant notre point de vue général, mais l’objectif est de découvrir ce qui a changé dans le passage de l’ordre ordinaire à son dérèglement. Car c’est alors sous l’angle de leur singularité que les faits de révolte qui se distinguent ainsi sont à appréhender, suivant ce qui a été inventé autour et à partir de l’émeute, suivant ce qui a été là le cœur de la dispute une fois ce cap franchi. La nouveauté potentielle surgit d’un ici et maintenant non directement généralisable.

Cependant cette étape, qui demande temps et attention focalisée, éloigne aussi de la synthèse générale inhérente à notre démarche. L’élaboration du présent rapport n’a été possible que par l’interruption de la publication de ces traitements particuliers, pour se suffire de comptes-rendus en interne. Il correspond à la reconstitution du mouvement du négatif à l’échelle du monde une fois l’aridité des chronologies dépassée dans l’analyse – de ce fait, les jugements donnés sont désormais ceux qui l’emportent, sur ceux figurés dans la chronologie 2003-2006 notamment. Profusion d’offensives, simultanéité, concentration, ubiquité, voisinage de révoltes seulement séparées par les frontières étatiques, formes et contenus communs, dessinent une autre vision, nulle part ainsi montrée, ni a fortiori discutée.





Relativité




On voit déjà quels dilemmes se posent pour mener une telle entreprise à quelques individus. Les successifs réajustements de la méthode répondaient aux deux impératifs exposés ci-avant, d’une part pouvoir rendre compte de la révolte à l’échelle du monde, et en comprendre l’unité et les divisions, d’autre part la saisir dans la profondeur de ses manifestations particulières par des examens détaillés. Il faut dire qu’en quelques années, l’information accessible pour un particulier a considérablement augmenté en quantité, étendant ainsi le champ d’investigation, notamment aux journaux locaux de la plupart des Etats du monde, mais rendant du même coup plus compliquée l’ambition de reconstituer une vue globale. Entre l’observatoire de type Bibliothèque des Emeutes et le nôtre, l’évolution de l’information marque déjà une différence importante, et ceci du fait également que le développement quantitatif ne va pas sans son pendant qualitatif. 

Au moment du putsch médiatique, il y a deux décennies, les grands quotidiens occidentaux donnaient le ton, fixaient une ligne, une hiérarchisation des événements, le reste des médias s’y conformait. L’apparition d’une information en continu, d’abord avec les chaînes satellitaires au tournant des années 1990, puis de celle dite « en temps réel » à partir du développement d’Internet, a conduit à un flux ininterrompu. La fréquence des « nouvelles » s’est accélérée, l’attention journalistique est devenue plus fugitive encore, portée sans recul sur une matière brute extraite en permanence et traitée dans la foulée hors de repères généraux susceptibles d’en indiquer l’importance et le sens. Le contexte pseudohistorique de l’après guerre froide, l’effervescence émeutière que l’information dominante a combattue et dévoyée à son profit, ne déterminent plus le coeur du discours, qui l’a désormais intégré. Le parti de l’information, qui n’était pas véritablement centralisé mais qu’on pouvait identifier à des quotidiens de référence et des journalistes vedettes, s’est propagé comme modèle, dans une quantité d’Etats du monde à mesure qu’il se proclamait garant de la démocratie, et surtout dans la vision de sa clientèle principale en Occident. D’autorité montante intervenant sur les terrains jusque-là assujettis à l’Etat, qui a bien dû s’y plier, il décide dorénavant lui-même du centre de l’attention, généralement déterminé par le besoin de produire toujours davantage, de fournir de minute en minute de la matière à consommer, du « neuf », ceci dans une diversification insensée des sujets et commandé par les impératifs de la concurrence. Sans qu’on puisse véritablement parler de leadership, il est clair que, dans une transition idéologique accordant à la communication autonomisée une place centrale, les autres acteurs de la conservation se sont alignés sur ses valeurs. On ne parle plus publiquement sans passer par les médias, on ne passe pas par eux sans se conformer à leurs vues, à la morale petite-bourgeoise qui leur tient lieu de critère de jugement. La nouvelle génération de pauvres, dans les régions où leur influence est la plus forte, est leur progéniture. Sortez dans la rue et parlez à un pauvre satisfait, vous entendrez la même chose que si vous allumez la radio. En prenant une telle dimension, le rapport médiatique advient désormais comme validation de ce qui a lieu, garant de sa réalité parce que le rendant public. L’écho dans l’information a la valeur d’une réalité supérieure à ce qui est vécu.

Internet est le moyen principal par l’expansion duquel les limites qui définissaient auparavant l’information dominante se sont érodées. Le déclin d’autorité des médias traditionnels n’a pas mené à une critique du commentateur salarié. L’éclatement généré par le réseau numérique a au contraire désamorcé la radicalité possible de la mise en cause par l’accès pour le spectateur passif à un rôle de propagandiste zélé.

Pour ces raisons, la notion d’« information dominante » ne sert plus seulement à désigner un ensemble de mass médias, mais plus globalement l’entité formée par tous ceux qui s’engagent comme observateur intermédiaire entre les humains, sans remettre en cause l’existence d’un intermédiaire séparé, en intégrant l’apparente éternité de cette séparation. L’information dominante est devenue ce qu’elle promettait d’être à son origine : l’organisation d’un soliloque dément qui n’a d’autre finalité que de continuer toujours. Son évolution peut se résumer ainsi : augmentation de ses divisions (dans son langage : diversité), appauvrissement de son contenu, de sa part interprétative (concision, rapidité), engendrement d’une soumission active (participation citoyenne, démocratique), culte de l’aliénation s’ignorant lui-même en tant que tel (foisonnement, permanence du flux).

C’est dorénavant à l’intérieur de ce magma mondialisé qu’il faut aller extraire les manifestations du vivant, chercher, trancher, fouiller parmi des organes de diffusion multipliés, qui de plus ont dorénavant pris l’habitude de les reléguer aux sections annexes de leurs éditions, faits divers ou criminalité par exemple. La multitude des sources et, conséquemment, la quantité des articles relevés, rendaient impossible de tout traiter exhaustivement. Dans notre processus de sélection, de la collecte des articles à la mise en forme des chronologies, celle des événements à traiter s’est faite à partir de l’appréciation première de ceux-ci, de façon parfois assez subjective. Dans ce que nous montrons, il peut y avoir une variation assez importante entre des appréciations basées sur des traitements ayant donné lieu à des comptes-rendus et celles qui ne proviennent que des convictions acquises lors de la conception de la chronologie générale, avec parfois de nouvelles consultations des articles recueillis.

A ces variations, résultantes de choix en partie déterminés par les capacités et limites qui sont les nôtres, s’ajoute notre dépendance vis-à-vis de ce que l’information à laquelle nous accédons rapporte. Le monde apparaît troué d’importantes zones d’ombre, qu’elles soient dues à ce que les journalistes taisent, ou au fait que des régions leur échappent totalement parce qu’ils n’y vont pas, qu’ils les dédaignent ou qu’ils y soient persona non grata. De plus, suivant les Etats, les types d’information accessibles sont souvent différents, pour certains d’entre eux, seule la presse locale médiatise les faits qui y surviennent, généralement sans les replacer dans leur contexte. Il n’y a guère que les spécialistes, avec leur défaut d’amplifier des particularités locales délimitées par leur marotte, qui offrent quelques renseignements à propos des situations dans ces endroits oubliés qui composent au bout du compte une grande partie du globe. L’information mondiale-occidentale, quant à elle, sélectionne et rapporte la plupart du temps les faits suivant ses divisions stéréotypées : l’Afrique comme continent du sous-développement et de la barbarie irrationnelle, le Moyen-Orient comme terrain du terrorisme, etc. A partir d’elles, l’actualité du moment détermine la représentation donnée d’une région ou d’un Etat, auquel il n’est plus fait référence qu’en fonction de cet antécédent, par une réduction où l’on fait passer la partie pour le tout, et dans ce cas comme confirmation de l’impression première.

Pour ces raisons, la vue à laquelle nous accédons, et dont nous faisons part, reste donc partielle, incomplète, en même temps qu’elle s’est formée suivant l’orientation déterminée par nos présupposés initiaux, qui influent au final sur les perspectives ébauchées.

Pour autant, s’il importe d’apporter cet avertissement sur la relativité de nos résultats, ils peuvent tout aussi bien être présentés comme l’affirmation de ce qui a lieu de notre point de vue, puisque nul rapport sur les faits ne peut se soustraire à la nécessité d’un tel point de départ. Par ce qui le singularise de tout ce qui se produit suivant les normes en vigueur, chacun des événements observés nous apparaît comme une mise en cause, l’amorce du débat par l’attaque en actes de ce qui l’empêche au quotidien. Il est inscrit dans un ensemble révélé par des analogies. Car au-delà des présupposés discutables et des simples propositions émises au final, c’est la considération générale qui donne le sens des événements pris un à un. Et elle ne provient ni d’un laboratoire scientifique ni d’une lubie universitaire, mais d’un parti pris affirmé dans le conflit mis au jour. Nous sommes nous-mêmes partie intégrante du mouvement général que nous prenons pour objet, par les vies qui sont les nôtres, par la misère de notre existence et par le constat de son universalité actuelle. En rendant ainsi visible une partie de ce qui se produit dans le monde, nous proposons une compréhension générale qui n’a de valeur que pour servir une continuité et une unité du négatif à partir desquelles des hypothèses isolées telles que celles que nous formulons ne seraient plus nécessaires.










1. Dans la première série de comptes-rendus publiés en juin 2007, ces deux orientations se montrent encore, telles que nous les distinguions dans notre présentation de la section Entrer dans le détail des faits. Au début de l’année 2005, les traitements furent limités aux événements les plus forts, ceux qu’un premier examen avait identifiés à des soulèvements, lorsque des émeutes se propagent, avec la nécessité alors de traiter les antécédents dans chaque Etat concerné. Dans cette même intention d’un resserrement sur l’essentiel, c’est aussi à ce moment-là que nous avons fait le choix de ne plus conserver les événements jugés mineurs dans les chronologies mensuelles. Les chronologies antérieures furent uniformisées suivant les critères de sélection choisis. Depuis 2007, privilégiant une approche spatiale, nous n’organisons plus les faits négatifs dans des chronologies mensuelles, ceux observés et retenus jusqu’à mai 2008 ont été regroupés sur un planisphère.





    2. Observation des faits négatifs par le détournement de l'information dominante

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